Scènes colères

Luciano Travaglino présente des textes de Dario Fo et des billets d’humeur de Jean-Pierre Léonardini.

Gilles Costaz  • 2 avril 2009 abonné·es

Des clowns qui prennent la vie politique et le public à rebrousse-poil, des amuseurs qui savent donner du fouet dans le cirque où nous sommes, cela existe toujours. Cette rareté se trouve dans un petit théâtre en banlieue parisienne, la Girandole, à Montreuil. L’esprit de Dario Fo (un ami de la maison) y règne. L’esprit de partage aussi, puisqu’on confie toujours un petit quart d’heure à un jeune artiste pour s’exprimer en début de soirée.
Le maître de cérémonie, qui relève plus du fou de la République que d’un autoritaire maître à bord, est un Italien, Luciano Travaglino. Il porte un nez postiche, qui ne le ridiculise pas mais l’emmène loin des canons du visage classique, là où il n’y a ni beaux ni laids, rien que des êtres humains qui souffrent et savent rire. Il a toujours un texte de Fo allégrement révolté à portée de lèvres, mais, dans Regard en coulisse , il a mêlé l’illustre Milanais à un auteur français, Jean-Pierre Léonardini. Ce dernier, qu’on connaît comme critique théâtral de l’Humanité (et aussi comme acteur avec des débuts tardifs à la scène et à l’écran ! ), donnait à son journal, entre 2002 et 2004, des billets quotidiens qui se fâchaient avec un humour impa­rable contre divers événements en France et à travers le monde.

Travaglino a pensé que ces coups de colère publiés dans le quotidien communiste pouvaient se marier avec les humeurs belliqueuses de Dario Fo. Mais comment choisir parmi 600 articles ? C’est au public de le faire. Travaglino passe parmi le public avec un sac où les spectateurs plongent pour attraper de petits billets portant la référence des textes. Ainsi, le spectacle est différent tous les soirs. Lors de notre passage, il a été question, par exemple, de phrases malencontreuses de Sarkozy (ça ne manque pas !) et du cannibalisme attribué aux forces de libération du Congo.

Ils sont trois en scène : Travaglino, Félicie Fabre et l’acteur-musicien Patrick Dray. Tous avec un nez en papier mâché. Tous provocateurs, chahutant les spectateurs, faussement mal élevés et authentiquement généreux. Héritiers des comiques latins et des farceurs de music-hall populaire, ils incarnent avec bonheur la vengeance des petits et des humiliés. Au début du spectacle, Travaglino a mis sur le gaz une marmite pleine de légumes et de riz. À la fin du spectacle, le minestrone est prêt. La soupe et le spectacle, quel régal !

Culture
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