Balade avec Robert Wyatt

Avec l’Orchestre national de jazz, Daniel Yvinec
a élaboré un projet autour de Robert Wyatt, où apparaissent des chanteurs d’univers très différents.

Éric Tandy  • 21 mai 2009 abonné·es

Avec sa voix blanche, employée, dit-il, comme « une sorte de bruit » , et ses mélodies à la fois pures et alambiquées, le Britannique Robert Wyatt passe souvent pour une sorte de légende sage du rock, même si son univers englobe aussi l’avant-garde, les musiques du monde, les comptines et le jazz. Depuis ses débuts dans les sixties , avec un groupe appelé Soft Machine (un nom bien sûr emprunté au roman de William Burroughs), celui qui se faisait le ­chantre de la pataphysique, avant d’affirmer bien haut des opinions marxistes jamais prises en défaut, a souvent fasciné les musiciens de notre pays. Les plus marginaux, d’abord, ceux qui dans les années 1970 tentaient de pousser les limites de ce que l’on appelait alors la pop music en la faisant dévier vers le free-jazz et des sonorités moins conventionnelles, mais aussi, plus récemment, certains chanteurs, comme Jean-Louis Murat, qui aiment la sérénité apparente de ses chansons et leur climat faussement planant. En fait, un son unique où chant et instruments, souvent noyés dans l’écho, se confondent ou se répondent.

Aujourd’hui, avec un CD appelé Around Robert Wyatt, c’est le très institutionnel Orchestre national de jazz (ONJ) qui paie son tribut au musicien chanteur né à Bristol en 1945. Un projet organisé par Daniel Yvinec, l’actuel directeur artistique de l’orchestre : «  Ce qui m’intéresse chez Wyatt, c’est qu’il crée avec une totale liberté, sans s’occuper de savoir s’il va plaire à X ou Y. Ce qui fait que sa musique englobe des choses définitives, prenant la forme de véritables chansons, et des choses qui paraissent imparfaites et pas vraiment terminées. Le fait qu’il y ait dans son univers des correspondances entre jazz et pop a bien sûr été déterminant. Cela m’a permis de travailler sur plusieurs terrains musicaux. »

L’album, présenté comme une balade autour de Robert Wyatt, qui apparaît sur quatre chansons, et non pas comme un hommage, est en effet assez diversifié. Notamment parce que les autres morceaux sont interprétés par des chanteurs venus d’univers différents. Rokia Traoré, Yael Naïm (en duo avec Arno), Camille, Daniel Darc, mais aussi Irène Jacob apparaissant ainsi au gré des titres.
Un casting assez hétéroclite qui, selon l’initiateur du projet, ne découle d’aucun hasard ni calcul. « Je voulais travailler avec des artistes, pas forcément fans de Wyatt, qui possédaient un univers personnel très fort, déjà identifié par le public, pour les emmener vers un monde qui n’était pas le leur… » Autre audace, Daniel Yvinec, lors de la conception de l’album, a bousculé certaines règles quasiment immuables de l’enregistrement : « J’ai en effet inversé radicalement le processus technique qui fait qu’habituellement les chanteurs arrivent à la fin, quand les parties musicales ont déjà été faites. Pour ce projet, c’est le contraire, les voix ont d’abord été enregistrées, et ensuite nous les avons habillées avec l’orchestre. » Une façon de faire assez unique qui colle bien sûr parfaitement avec la musique libre, et sans aucun a priori, de Robert Wyatt.

Culture
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