Députés à l’insu de leur plein gré

Le score inattendu d’Europe Écologie a propulsé au Parlement européen des militants dont le rôle n’était pas vraiment d’être élus…

Patrick Piro  • 11 juin 2009 abonné·es

Il tente depuis un moment de joindre sa mère pour lui apprendre ce qu’il qualifiait d’impossible hier, d’improbable à 20 heures, et pourtant confirmé en milieu de soirée : Pascal Canfin, journaliste parisien et 3e sur la liste Europe Écologie en Île-de-France, est eurodéputé ; on l’embrasse tous les deux pas à la Bellevilloise, siège de la soirée électorale parisienne des écologistes. Surprises identiques pour Malika Benarab-Attou, militante antiraciste à Chambéry et 3e de la liste dans le Sud-Est, ou Nicole Kiil-Nielsen, maire-adjointe Verte à Rennes.
Retour à la Bellevilloise, il est 21 h 40, et c’est le nom de Karima que la foule scande, chavirée : alors que les estimations mettent Europe écologie à plus de 20 % en Île-de-France, la 4e de liste « passe » ! Estomaquée, elle mettra un bon moment avant de réaliser et d’écraser enfin une larme en soufflant : « 29 ans… Ma thèse attendra encore. » C’est l’icône de la soirée. Karima Delli, un CV idéal pour les Verts : 9e d’une famille de 13 enfants issue de l’immigration, étudiante à Sciences-Po, elle est ancienne secrétaire fédérale des Jeunes Verts et assistante parlementaire de Marie-Christine Blandin. Elle est surtout très impliquée dans des mouvements inventifs comme Jeudi noir, Zone d’écologie populaire (ZEP) ou Sauvons les riches, dont elle est cofondatrice. C’est son père qu’elle a appelé à Roubaix, où il fut ouvrier textile. « Il me répétait : “La politique, ça sert à rien.” Ce soir, il m’a dit : “Ça peut changer les choses” … »

Fin 2008, Dany Cohn-Bendit promettait « du sang et des larmes » pour la désignation des huit têtes de liste, éligibles. Avec quelques seconds, notamment en Île-de-France, où il fallait pousser Eva Joly, colistière de Cohn-Bendit mais novice en politique. Rôle notamment dévolu aux suivants immédiats. Aujourd’hui, les « sherpas » Canfin et Delli reconnaissent que c’est la magistrate franco-norvégienne –  « une révélation ! »  – qui les a en quelque sorte tirés vers la députation. Un brin vachard, un militant proche de la direction des Verts fait remarquer qu’ils n’auraient jamais été laissés à si belle place si l’état-major de campagne avait un instant eu l’intuition d’un tel coup de théâtre…

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