Hadopi ou la vraie fracture numérique

La loi Hadopi et son cortège d’articles inapplicables, bouffonnerie législative depuis ses débuts, vient d’être partiellement vidée de sa substance par le Conseil constitutionnel. Le gouvernement s’entête.

Xavier Frison  • 11 juin 2009 abonné·es
Hadopi ou la vraie fracture numérique

_ Si ce n’était pathétique, on en rirait presque. La loi Hadopi, censée chasser les méchants pirates du web (vous, moi, vieux, jeunes, pauvres, riches, classes moyennes…) et portée avec emphase par l’inimitable Christine Albanel, vient de connaître un nouveau camouflet. Mercredi 10 juillet, le Conseil constitutionnel, garant de la constitutionnalité des lois en France, a estimé que la décision de couper un abonnement internet ne pouvait incomber qu’à un juge, et non à une autorité administrative. Exit donc la formidable idée consistant à fliquer à grand frais les millions de Français connectés au web et à leur couper les tuyaux en cas d’infraction via une structure lambda.

Il en faudrait plus à la ministre de la Culture et au gouvernement pour avouer qu’ils se sont fourvoyés dans une loi dévoilant sans pudeur leur ignorance des nouvelles technologies. Ou leur soumission au lobby des industriels du disque… « On peut soit promulguer le texte tout de suite, et ensuite le compléter au Parlement sur la partie qui a été effectivement censurée , explique la ministre, soit repartir tout de suite au Parlement pour compléter le texte » . Comme si de rien n’était.

Plus qu’un clivage gauche-droite, Hadopi révèle un clivage «jeunes-vieux». Les allergiques au numérique, main dans la main avec ceux qui ont tout intérêt à conserver le modèle économique actuel, tremblent devant la puissance -forcément néfaste- du réseau. En oubliant que 45 ans plus tôt, l’apparition de la cassette audio déclenchait la même hystérie, sans pour autant couler l’industrie de l’art et du divertissement. Sans, surtout, faire disparaître la création artistique et la rémunération des artistes, auteurs, techniciens et producteurs.

Ceux qui sont « nés » avec internet ont généralement une autre approche du problème. D’abord, ils notent que les maisons de disque n’ont jamais fait l’effort de proposer un modèle alternatif au «CD à 20 euros» alors que les réseaux d’échange de fichiers envahissent le web depuis plus de dix ans. Les espaces de téléchargement «officiels» aux titres bridés impossibles à lire sur un baladeur MP3 n’étant qu’une vaine tentative de se rattraper aux branches. En sus, les utilisateurs avertis d’internet savent que rien ne peut entraver le téléchargement. En ce sens, Hadopi a dix ans de retard, au minimum. Certains tentent donc de trouver une solution permettant, dans le cadre du téléchargement libre, de rémunérer les auteurs et ceux dont le travail mérite rétribution dans le processus de création artistique. La licence globale, concept encore largement imparfait dans sa forme actuelle, fait partie de ces pistes de réflexions.

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