Relisons Aimé Damour

À l’occasion du cinquantième anniversaire de la mort de Boris Vian, une programmation articulée autour de cette personnalité inclassable.

Jean-Claude Renard  • 11 juin 2009 abonné·es

Les titres de ses œuvres donnent le tempo. Un radical barbu, Conte de fées à l’usage des moyennes personnes, les Casseurs de Colombes, la Chronique de Pierremort, J’irai cracher sur vos tombes, l’Arrache-cœur, l’Écume des jours, Vercoquin et le plancton , ou encore l’Automne à Pékin – où ne figurent ni l’automne ni la capitale chinoise. Rien de moins qu’un art. Le choix des pseudonymes dit aussi les facettes de cet homme araignée, retors aux étiquettes, « en avance pour tout, y compris pour mourir » , selon la formule de sa femme, Ursula Vian-Kübler. Qu’on en juge : Bisonduravi, Agénor Bouillon, Aimé Damour, Zéphirin Hanvélo, Vernon Sullivan, Eugène Minoux…
Le cinquantième anniversaire de la mort de Boris Vian (1920-1959) est l’occasion pour la télévision de revenir sur la personnalité d’un bougre inclassable, influencé par Alfred Jarry, élève de l’École centrale, équarrisseur de première classe (et de première bourre) au Collège de pataphysique, romancier, poète, dramaturge, traducteur (notamment de Bradbury et de Strindberg), scénariste, chansonnier, parolier, feuilletoniste pour la radio, auteur de spectacles et d’opéras. Ingénieur et musicien. Une coupe chargée. D’un texte à l’autre, d’une intervention à l’autre, c’est chaque fois un hymne à la liberté qui prend des airs de bras d’honneur goguenard aux classements dans les bonnes cases. Des airs de dilettante qui se faufilent insidieusement du côté de l’imagination chez un homme en mal de conformisme. Cassant les systèmes, transgressant les codes, subvertissant tout et ses alentours.
S’appuyant sur des thèmes musicaux (Miles Davis, entre autres), Philippe Kohly brosse un juste portrait du bonhomme, de son savoir tous azimuts, de sa culture musicale et jazzique, de sa verve bouillonnante. Un roman en apparence musical mais bien plus que cela, celui d’une vie pleine. Qui permet de sortir des clichés. La réception de Vian, son image de touche-à- tout et d’écrivaillon pas sérieux, voire facile, ont repoussé, bêtement reporté longtemps la reconnaissance. Vian est devenu un auteur classique. Pléiadé. Juste retour de postérité. Et Kohly a l’avantage, dans le concert de films commémorations, de sortir, même difficilement, de l’hagiographie. Reste un essentiel : lire les textes.

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