De quels droits ? / Coupable d’avoir l’air

Christine Tréguier  • 9 juillet 2009 abonné·es

L’étude « Police et minorités visibles : les contrôles d’identité à Paris », récemment publiée par l’Open Society Institut (OSI, un institut financé par George Soros), relance la question du contrôle au faciès. Sujet sensible s’il en est. On se souvient qu’en 2001 un guide intitulé Vos Papiers ! avait suscité bien des émois dans la police. L’ouvrage publié par le Syndicat de la magistrature visait à informer les gens de leurs droits en cas de contrôle d’identité. Poussé par les syndicats, le ministre de l’Intérieur de l’époque, Daniel Vaillant (PS), avait poursuivi le magistrat Clément Schouler, son auteur, pour diffamation. Son tort ? Avoir écrit : « Les contrôles d’identité au faciès sont non seulement monnaie courante, mais se multiplient. » Son successeur, Sarkozy, tentera même de se porter partie civile contre les magistrats de gauche. Sans succès. Malgré de nombreuses études et témoignages confirmant ses dires, il aura fallu sept ans de procédure à Clément Schouler pour obtenir la relaxe.

D’où l’importance de cette étude quantitative de l’OSI, première du genre, dont les résultats sont sans équivoque : « Les contrôles d’identité effectués par les policiers se fondent principalement sur l’apparence : non pas sur ce que les gens font, mais sur ce qu’ils sont, ou paraissent être. » Le contrôle au faciès, ou profilage racial, n’est pas une vaine doléance, mais une pratique courante. Pour parvenir à cette conclusion, Fabien Jobard et René Levy, tous deux chercheurs en sociologie au CNRS, ont choisi cinq sites parmi les plus policés de la capitale, aux abords des stations Châtelet et Gare-du-Nord. Dans un premier temps, ils ont recensé les types de personnes transitant par ces lieux : âge, sexe, origine, tenue vestimentaire et présence ou non de sac. Ces premières observations ont révélé une population de référence composée à 57,9 % de personnes perçues comme « blanches », 23 % comme « noires », 11,3 % comme « arabes », 4,3 % comme « asiatiques » et moins de 3,1 % comme « indo-pakistanaises ». La seconde phase a consisté à observer le travail policier dans les mêmes lieux et aux mêmes heures. Le suivi de 525 contrôles d’identité a permis de constater que les Noirs se faisaient contrôler, en moyenne, 6 fois plus que les Blancs, et les Arabes 7,8 fois plus. Idem pour les fouilles et palpations : 4 et 3 fois plus fréquentes pour ces populations. L’étude établit également que les jeunes portant certaines tenues vestimentaires (hip-hop, rap, gothique ou techno), soit 10 % de la population présente sur les lieux d’enquête, comptent pour 47 % des personnes contrôlées.

Des contrôles « disproportionnés » qui témoignent des stéréotypes sociaux et raciaux des forces de l’ordre. Ces pratiques discriminatoires, souligne l’étude, ont des « effets délétères » sur les rapports entre le public et la police. Elles sont d’autant plus dommageables que certains pays, comme l’Espagne, ont amené la preuve de leur inefficacité. Le SM s’est félicité de cette étude, mais note le silence assourdissant du ministère depuis sa parution.

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