Le retour de la race ?

Le 29 juin, des scientifiques réunis en commission indépendante ont publié un rapport dans lequel ils expliquent pourquoi ils redoutent un système d’ethnicisation de la société.

Ingrid Merckx  • 17 juillet 2009 abonné·es

Le titre est sans équivoque : le Retour de la race. Contre les statistiques ethniques. Si les contributions du rapport de la Commission alternative de réflexion sur les « statistiques ethniques » et les discriminations (Carsed), publié le 29 juin, ne déploient pas toutes le même argumentaire, l’orientation est similaire : prévenir **« le danger des catégories ethniques »* , au nom d’un refus d’* « ethniciser » la société. « On ne peut pas développer une pensée non raciste de la race ni une pensée non ethnique de l’ethnie en les prenant pour des réalités ou des catégories objectives d’analyse. »

Plutôt partisans d’une « politique raisonnable » contre les discriminations que de nouvelles méthodes pour mesurer la diversité, les vingt-deux scientifiques qui composent la Carsed défendent le lancement d’enquêtes et l’usage de statistiques sous l’égide renforcée de la Halde, du Conseil national de l’information statistique (Cnis) et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Ils souhaitent que l’on encourage « des méthodes empiriques » relevant de l’ethnographie plutôt que les « comparaisons standardisées » et des opérations de testing à grande échelle. Ils invitent l’État à faire respecter les procédures et se méfient du « label diversité » . Enfin, ils réclament une « enquête d’ensemble sur les inégalités » et un programme doté d’au moins dix millions d’euros pour ouvrir la statistique publique à plus de chercheurs. En clair : des outils existent, utilisons-les mieux. Et gare aux tentatives d’instrumentalisation : « Toute enquête statistique profite implicitement d’un argument d’autorité – ce sont les chiffres qui le disent. Il ne faut pas faire un mésusage de cette force », préviennent France Guérin-Pace, Alain Blum et Hervé Le Bras. Surtout dans le contexte actuel de « montée en puissance des idées de race, d’ethnicité et de biologisation des rapports sociaux » , souligne l’anthropologue Jean-Loup Amselle en évoquant le ministère de l’Identité nationale ou les tests ADN pour les migrants. Et le sociologue Smaïn Laacher d’ajouter : « La lutte contre les discriminations n’est pas la lutte pour l’égalité.  […] Il importe de ne jamais oublier que ceux qui s’en sortent par la discrimination positive (ou sans elle) ne règlent en rien les perspectives d’avenir de tous ceux qui restent, qui s’enfoncent et sont la majorité. »

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