Au paradis sarkozique

Sébastien Fontenelle  • 10 septembre 2009 abonné·es

Il y a ces cases légendaires, dans Tintin au pays des Soviets, où notre sympathique reporter s’aperçoit que les rutilantes fabriques de la Russie bolchevique sont en réalité « de simples décors de théâtre… Derrière lesquels on brûle de la paille pour faire fumer les simili-cheminées ». Tintin prend alors son fidèle Milou à témoin de l’insigne fourberie des communistes : « Et voilà comment les Soviets roulent ces malheureux qui croient encore au “paradis rouge”. »

Prenons maintenant ce qui se passe, ici et maintenant, au pays de Sarkozy.
Qu’avons-nous appris, ces derniers temps ? Nous avons d’abord appris que les joyeuses commères qui ont gaiement accueilli Luc Chatel le 19 août dernier dans un supermarché de province – pour lui conter combien les ravissait la baisse des prix des fournitures scolaires, et combien le gouvernement leur allégeait la crise – étaient des figurantes, soigneusement triées. (La direction de la grande surface en question eut aussitôt la vive bonté d’endosser la pleine responsabilité du minable trucage, promettant que Chatel n’y était pour rien, le pauvre – et pour ce qui me concerne, je veux affirmer ici, haut et fort, que cette explication m’a pleinement convaincu. Je sais reconnaître la véritable sincérité, quand elle se manifeste si joliment. Ne ris pas, s’il te plaît : ce n’est pas très gentil.)

Après cela, et plus récemment, nous avons appris qu’une salariée de l’usine Faurecia de Caligny, en Normandie, reconnaissait avoir été sélectionnée en (seule) raison de sa petite taille pour poser devant les caméras aux côtés du chef de l’État français, venu visiter ladite usine. Un syndicaliste maison le confirme d’ailleurs en ces mêmes termes : « Il n’y avait que des gens de petite taille qui pouvaient poser aux côtés du président » , lors de sa visite. « Ceux qui étaient plus grands » que lui « ne le pouvaient pas » . Le syndicaliste précise que cette interdiction venait, d’après lui, « de l’Élysée ». (Le gars chercherait à se pécho une garde à vue qu’il ne s’y prendrait pas autrement.)

Raconté comme ça, évidemment : ça fait d’abord marrer. (Faut admettre que si Kozy évoluait au milieu de grandes personnes, des taquins(e)s risqueraient de crier : « Sarkozy, je ne te vois pas ! » ) Mais au fond, c’est quand même un peu terrifiant, pour ce que ça révèle de l’état d’esprit des Versaillai(se)s qui depuis deux ans prétendent régner sur nos vies – et qui en sont bel et bien, comme on le pressentait, et comme chez Orwell, à remplacer la réalité par une réalité bis. Une réalité Potemkine. Sans que nous ne réagissions, alors que cela devrait nous jeter par dizaines de millions dans les rues, histoire de ne pas nous réveiller un de ces  matins dans un endroit où le taux de démocratie serait tombé vraiment trop bas.
Et voilà comment la droite régimaire roule ces malheureux qui croient encore au paradis sarkozique. Jusqu’à quand ?

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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