Diagnostic très réservé

Le protocole d’accord visant à « moderniser » la médecine du travail inquiète praticiens et syndicats.

Pauline Graulle  • 17 septembre 2009 abonné·es

Vendredi 11 septembre, une jeune salariée de France Télécom se donnait la mort en se jetant par la fenêtre de son bureau. Le même jour, dans la plus totale indifférence médiatique, se décidait l’avenir de la médecine du travail. Un avenir bien sombre car, après huit mois de négociations entre partenaires sociaux, le protocole d’accord visant à « moderniser » les services de santé au travail (SST) apparaît décevant, voire régressif. Il a déclenché l’ire de nombreux médecins du travail et l’inquiétude des syndicats, qui pourraient refuser de signer le texte. Même la CFDT s’est dite insatisfaite malgré quelques avancées. Le Medef, lui, a plébiscité un texte « extrêmement novateur ».

Mais, alors que le Canard enchaîné et Rue89 avaient révélé fin 2007 les détournements de fonds destinés aux SST par des Medef locaux, le patronat s’est bien gardé d’aborder la question du financement. « On se doutait que les pratiques incestueuses entre les baronnies locales du Medef et les SST ne cesseraient pas du jour au lendemain, explique Jean-François Naton, conseiller confédéral CGT, nous étions prêts à procéder par étapes. Mais nous avons pu constater que le Medef ne voulait pas bouger d’un iota ! »

Si rien ne change quant à l’opacité de gestion des SST, le texte porte en revanche un coup fatal à l’autonomie de la médecine du travail. Il entérine ainsi la présence majoritaire des représentants du patronat dans les conseils d’administration des SST. Au prétexte de compenser la désertification de la profession (un quart des 6 500 médecins du travail partiront en retraite d’ici à cinq ans), les visites médicales seraient espacées de trois ans, voire plus, contre deux ans actuellement. Entre-temps, des infirmiers, sous l’autorité du chef d’entreprise, réaliseraient des entretiens médico-professionnels.
«  L’espacement des consultations va éloigner les médecins du travail de la réalité de l’entreprise, craint Yusuf Ghanty, du collectif des médecins du travail de Bourg-en-Bresse. Plus personne n’aura une vue d’ensemble de la souffrance des salariés, ou même des risques physico-chimiques dans l’entreprise ! La médecine du travail est mise dans le formol alors même qu’on attend 100 000 morts de l’amiante. »

Le collectif Sauvons la médecine du travail, qui a lancé un appel signé par plus de 500 médecins du travail, évoque lui aussi une décimation programmée dans leurs rangs. Et qui serait « utilisée comme un levier pour justifier une remise en cause totale de la prévention des risques professionnels en proposant une organisation basée sur la démédicalisation » . Drôle de conception à l’heure où la santé au travail s’impose comme un enjeu de santé publique.

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