Le parti communiste à la croisée des chemins

À quelques mois des élections régionales, le PCF est face à un choix : se rapprocher du PS ou du Front de gauche ? Si la direction ne donne pas de consignes claires, les « barons » en feront chacun à leur tête. À l’occasion de la Fête de l’Humanité, portrait de famille d’un parti tiré à hue et à dia.

Michel Soudais  • 10 septembre 2009 abonné·es
Le parti communiste à la croisée des chemins

Parmi les nombreux débats du week-end à la Fête de l’Humanité, il en est un qui a toutes les chances d’animer les discussions. C’est celui qui porte sur l’attitude du parti communiste aux régionales de mars prochain. Un débat stratégique remis sur le métier depuis qu’au dernier congrès les communistes ont décidé d’examiner à chaque élection l’alliance la plus pertinente.

En l’occurrence, le choix du parti de Marie-George Buffet, faute de peser d’un poids suffisant pour espérer tirer seul son épingle du jeu dans un scrutin de liste à deux tours, se limite à deux options. Faire alliance avec le PS dès le premier tour, comme en 2004 dans quatorze régions, ou constituer comme aux européennes un front de gauche, élargi au Nouveau Parti anticapitaliste et à d’autres forces, afin de présenter une alternative à gauche.

Mais les questions simples ne sont pas nécessairement les plus faciles à résoudre. Et, dans ce cas précis, la direction du PCF tergiverse. Devant le conseil national, le 4 septembre, Pierre Laurent a balayé d’un revers de main la proposition de Jean-Luc Mélenchon d’un front durable des régionales à la présidentielle et aux législatives : « Ce n’est pas notre conception et nos choix de congrès. » Le numéro deux du PCF refuse pour l’heure que son parti joue « les supplétifs » d’une recomposition PS-MoDem ou soit «  éjecté des majorités régionales » s’il acceptait l’exigence du NPA de ne pas participer à des exécutifs avec le PS.

En attendant de prendre une décision en novembre, la direction du PCF souhaite « combattre le sentiment d’enlisement de la gauche face à Sarkozy » , en organisant six «  grands ateliers thématiques nationaux sur le projet, ouverts aux forces du mouvement social, dans lesquels toutes les forces de gauche et les écologistes pourraient se confronter ». Histoire de gagner du temps. Et de voir aussi ce qui est envisageable avec le PS.
Au cours du même conseil national, plusieurs secrétaires fédéraux, souvent conseillers régionaux, sont d’ailleurs montés au créneau pour défendre une alliance avec le PS au premier tour. Avec un argument : cela s’est fait en 2004, le bilan est positif, il faut le reconduire. De leur côté, les défenseurs de l’identité communiste sont embarrassés. Réticents à reconduire un rassemblement de la gauche antilibérale –  « S’il doit y avoir une liste Front de gauche, les communistes ne doivent pas perdre d’élus pour en donner aux autres » , disent-ils –, ils ne peuvent pas plus défendre un rapprochement avec le PS et sont conscients que le PCF seul n’a pas d’avenir. Ils seraient tentés par des rassemblements au cas par cas. Mais Marie-George Buffet a déclaré, lors d’une conférence de presse en marge du conseil national : « Il y aura une offre politique nationale. » Dans ce cas, pourquoi attendre au risque de laisser des responsables et des élus s’engager avec le PS, notamment en Bretagne et en Rhône-Alpes, et d’ouvrir la voie à des alliances à la carte ?, interrogent les Communistes unitaires.

Pour eux, après la campagne réussie du Front de gauche aux européennes et le bon résultat des listes présentées sous cette bannière par le PCF, le Parti de gauche, la Gauche unitaire et quelques autres, la logique voudrait que le PCF poursuive et élargisse le Front de gauche. « Est-il plus ambitieux de chercher à confirmer les majorités sortantes, sur la base de bilans positifs mais insuffisants, ou de chercher à ce que des dynamiques de premier tour sur des contenus de rupture nourrissent une majorité de toute la gauche au second ? » , interroge Gilles Alfonsi, l’un de leur chef de file. Craignant que le désir de garder des positions de pouvoir, y compris pour des raisons économiques – le PCF a 185 conseillers régionaux sortants –, l’emporte ici ou là sur toute autre considération, il met en garde contre la « démobilisation » qu’entraînerait un tête-à-tête avec le PS.

Une position assez partagée par les tenants d’une « métamorphose » du parti, regroupés autour de Marie-Pierre Vieu. « Les communistes qui se sont engagés dans le Front de gauche ont fait une expérience positive de rassemblement, ils ont retrouvé le goût d’aller au carton, on ne peut pas leur dire maintenant : c’est fini », estime cette dernière.
Le choix qui sera fait aux élections régionales déterminera ce que deviendra le PCF dans les années qui viennent. Un changement d’alliance brutal qui le ramènerait dans le giron du PS affecterait la sincérité de sa démarche en faveur de l’émergence d’une gauche de transformation sociale, anticapitaliste. Une absence de position nationale ruinerait la crédibilité qui lui reste en asseyant pour longtemps l’image d’un parti éclaté, ballotté au gré des intérêts contradictoires de ses élus locaux.

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