« Les banques ne font plus leur métier »

Les leçons de la crise financière ont-elles été tirées ? Directeur général de la Nef, coopérative financière et future banque éthique européenne, Jean-Marc de Boni critique le fonctionnement du système bancaire.

Thierry Brun  • 10 septembre 2009 abonné·es
« Les banques ne font plus leur métier »

Politis : Les banques ont joué un rôle crucial dans la crise avec ce phénomène de titrisation créant des produits financiers à hauts risques. Comment une banque comme la Nef réagit-elle devant cette situation ?

Jean-Marc de Boni / La titrisation est effectivement une des premières causes de l’explosion du système financier tel qu’on le connaît depuis une quinzaine d’années. C’est une duperie gigantesque parce que, tout simplement, les banques externalisent tous les risques et les font porter par la population. En agissant ainsi, elles ne font plus leur métier. Et il devient légitime de s’interroger sur leur utilité quand elles fonctionnent ainsi. Ainsi que sur l’utilité du rôle des traders. Personne ne sait qui fait quoi ! La plupart des sociétés d’audit qui analysent des produits financiers disent qu’au-delà du premier intervenant, ils n’y voient plus grand-chose. Commençons par redonner aux banques le rôle qui doit être le leur, c’est-à-dire faire circuler l’argent et assumer le risque d’intermédiation.

Il est donc possible pour une banque de fonctionner autrement…

Pendant des siècles, les banques ont fonctionné autrement. Le rôle initial des banques est l’intermédiation. Il consiste à relier deux intérêts a priori contradictoires : celui de l’épargnant, qui a de l’argent disponible et souhaite le récupérer de façon certaine quand il le veut, moyennant un intérêt correspondant à la privation de cet argent pendant un certain temps, et celui de l’emprunteur, qui veut de l’argent sur plusieurs années et court le risque de ne pas pouvoir le rembourser.

Votre banque a-t-elle été affectée par la crise ?

Non. Nous sommes déconnectés de ce système de financiarisation, mais, bien évidemment, en ce qui concerne les taux d’intérêt, nous sommes, comme tout le monde, soumis à concurrence. Nous n’avons aucune politique consistant à utiliser l’épargne de nos clients pour faire des opérations financières extrêmement fructueuses à court terme. Nous utilisons l’épargne uniquement pour faire des prêts à des entreprises ou à des porteurs de projet. Ce qui n’est plus le cas, depuis une quinzaine d’années, de la plupart des banques « classiques », puisque l’épargne y est massivement utilisée pour des opérations financières confiées aux traders.

Votre mode de fonctionnement se traduit-il par plus de confiance dans votre banque ?

C’est très net, parce qu’il y a de la transparence par rapport à l’utilisation de l’argent des épargnants. Certes, la Nef a été touchée par la crise économique, mais moins que les autres banques. De plus, nous proposons des placements simples, faciles à comprendre, et il n’y a pas de montages sophistiqués…

Pourtant, des banques coopératives comme le Crédit agricole, les Banques populaires et les Caisses d’épargne ont subi de plein fouet la crise financière. Que pensez-vous de leur attitude ?

Les banques coopératives étaient normalement armées pour résister à la tentation des produits financiers à hauts risques, et elles ont cédé au chant des sirènes. Plus grave, ces banques ont voulu rattraper ce qu’elles ont qualifié de temps perdu en mettant les bouchées doubles. Elles ont été amenées à prendre des risques importants sans nécessairement avoir la complète maîtrise de ces risques. Cela leur a explosé à la figure. Ces banques se sont éloignées de leur base coopérative. Est-ce normal que l’administrateur soit choisi par les dirigeants ? Est-ce normal qu’on dise qu’un tel est nommé parce qu’il a de bonnes relations avec le président du directoire ? On marche sur la tête en matière de gouvernance.

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