Les bonnes blagues du G20

Malgré les annonces, les dirigeants des pays riches préservent le système financier international.

Thierry Brun  • 24 septembre 2009 abonné·es
Les bonnes blagues du G20

Que restera-t-il de ce G20 de Pittsburgh des 24 et 25 septembre ? Sûrement des divergences sur les moyens à déployer pour qu’une crise ne se reproduise pas. Les dirigeants du G20 se sont fixé pour programme de mesurer les progrès accomplis dans la lutte contre la crise depuis la réunion d’avril à Londres, sans pour autant changer un système financier international dont les activités spéculatives sont reparties de plus belle.
Depuis plusieurs semaines, les gouvernements du G20 se sont agités sur la question de la rémunération des traders sans parvenir à s’entendre sur l’encadrement de ces bonus, alors que la banque américaine Goldman Sachs a mis de côté 11,3 milliards de dollars en prévision des bonus à verser à ses salariés. De même, en France, BNP Paribas, une des banques soutenues par le plan de relance de l’économie, a provisionné 1 milliard d’euros de bonus dans ses comptes et convaincu Nicolas Sarkozy d’obtenir une limitation de ces rémunérations au G20. «  Si, en effet, le système de rémunération des traders est un scandale, le cœur du problème n’est pas simplement là, mais dans le fait que les banques et le secteur financier engrangent suffisamment de profits pour attribuer de telles rémunérations » , souligne l’association altermondialiste Attac [^2].

La « réforme » de la régulation financière fait aussi l’objet de divisions sur les fonds spéculatifs et les normes comptables. Les dirigeants des économies les plus puissantes du monde n’ont pas avancé d’un pouce vers la suppression des paradis fiscaux. Le G20 de Londres, en avril, avait pourtant annoncé que « l’ère du secret bancaire [était] terminée » , et s’était dit prêt à mettre en place des sanctions. La publication d’une liste « grise » des pays non coopératifs a depuis été lancée, et de nombreux pays ont signé des protocoles d’échanges d’information fiscale pour sortir de cette liste.

Mais, « en permettant aux paradis fiscaux d’être blanchis en signant seulement 12 traités alors que la planète compte plus de 190 pays, le G20 limite en pratique l’accès à cette transparence aux pays les plus riches, qui obtiendront plus facilement de tels traités en leur faveur » , indique Maylis Labusquière, d’Oxfam France. L’ONG explique que les critères retenus pas l’OCDE ont permis à Monaco de sortir de la liste grise des paradis fiscaux en signant 12 accords d’échange d’informations fiscales avec « la principauté d’Andorre, l’Autriche, les Bahamas, le Liechtenstein, le Luxembourg, le Qatar, Samoa, Saint-Marin et Saint-Kitts… Des territoires dont la réputation n’est plus à faire… Ils figurent dans cette liste aux côtés de la France et des États-Unis » , qui sont présents au G20 de Pittsburgh.
« Il est aujourd’hui avéré que les paradis fiscaux et judiciaires ont une responsabilité énorme dans le dérèglement et l’effondrement du système financier mondial. Malgré cela, les deux premiers G20  [qui se sont tenus à Washington et à Londres pendant la crise] n ’ont pas voulu apporter de véritables réponses à la fraude et à l’évasion fiscales, à la concurrence et à l’injustice » , estime Attac, jugeant que « la finance offshore n’a pas reculé, et [que] c ’est bien davantage à son redéploiement géographique (de l’Europe vers l’Asie) que nous assistons ».
*
Il y a un an, Nicolas Sarkozy, qui avait encouragé ces réunions du G20, n’avait pas mâché ses mots pour qualifier la crise financière et ses conséquences. Dans son discours prononcé à Toulon, il avait annoncé *« la fin d’un monde »
et souhaité «  la refondation du capitalisme ». Cependant, une révision de fond en comble du système financier international n’est pas à l’ordre du jour.

Le sommet de Pittsburgh insiste pour une coordination des plans de relance d’un montant total de 5 000 milliards de dollars, dont la moitié reste à mettre en œuvre. Mais « l’impact de la crise se fait d’abord sentir pour les plus vulnérables ; plus de 200 millions de personnes devraient tomber dans la pauvreté absolue en raison de la crise » , souligne la Confédération syndicale internationale, qui demande au G20 une action coordonnée au niveau international pour maintenir et créer des emplois. Outre les quelque 15 millions d’emplois déjà perdus dans les pays riches, l’OCDE prévient dans ses récentes projections que le pire est à venir pour le marché du travail dans plusieurs pays.

[^2]: La CGT, la CFDT, Solidaires, le Snui, le CCFD, Oxfam France-Agir ici, Attac, ainsi que les organisations de « la Plateforme contre les paradis fiscaux et judiciaires » ont lancé une campagne de mobilisation « Stop paradis fiscaux » pendant le G20 de Pittsburgh.

Temps de lecture : 4 minutes