Opération dynamitage

À Montpellier, où elle a réuni ses partisans, Ségolène Royal a prêché le « dépassement » du PS. Anticipant sur l’adoption des primaires, elle joue l’opinion contre le parti.

Michel Soudais  • 24 septembre 2009 abonné·es
Opération dynamitage

Ségolène Royal est à nouveau en campagne. Et pas seulement pour conserver la présidence de la région Poitou-Charentes. L’ex-candidate à l’Élysée, qui organisait dimanche dernier, à Montpellier, une seconde Fête de la fraternité, a invité ses fidèles à travailler au «  dépassement du Parti socialiste » . Les troupes sont moins nombreuses que l’an dernier au Zénith de Paris. À peine 2 000 personnes contre un peu plus de 4 000. Mais Mme Royal n’en a cure.

« Nous créerons ce mouvement puissant et accueillant que le pays attend », lance-t-elle à ses troupes, affirmant s’adresser aux «  salariés, jeunes de toutes origines et de tous horizons, syndicalistes, habitants des campagnes et des villes, intellectuels, associatifs » . Elle annonce un « siècle citoyen qui s’avance » , se pose en victime de la presse, du « microcosme parisien » et des « notables politiques » . Un discours qui renoue avec la stratégie de contournement du PS qui avait fait son succès en 2006. Et vise cette fois à dynamiter le vieil appareil pour mieux ouvrir la gauche et allier celle-ci aux centristes.

Après avoir fait amie-amie avec Martine Aubry à La Rochelle, Ségolène Royal a ravivé les braises de la querelle avec sa rivale, dès qu’il est apparu que le PS allait accepter que son ­candidat à la présidentielle soit désigné dans des « primaires ouvertes ». La sortie d’un livre, Hold-uPS, arnaques et trahisons, qui relance la polémique sur la victoire, en novembre 2008, de la maire de Lille, avec 102 voix d’avance, lui en fournit le prétexte.

Le 9 septembre, sur France 2, Mme Royal, qui n’a lu que des extraits de l’ouvrage, en assure la publicité. Les fraudes relatées par les deux auteurs, journalistes à Europe 1, n’incriminent que le camp de Martine Aubry et sont connues : Jean-Pierre Mignard, avocat et président de Désirs d’avenir, les avait en son temps recensées dans un mémoire destiné à demander l’annulation du vote. L’ex-candidate à la direction du PS, qui, la veille, accusait Europe 1 de lui lancer des « boules puantes » dès qu’ « elle en a l’occasion » , feint toutefois de les découvrir. À l’antenne, elle affirme avoir « ressenti un choc en pensant aux dizaines de milliers de militants qui se sont fait voler leur vote. On savait que ça avait triché, mais pas avec cette ampleur ni avec ce système d’organisation » . Et annonce «  une déclaration solennelle dans quelques jours » .

Prévue le 15 septembre, celle-ci est enregistrée sur le tout nouveau site de Désirs d’avenir, dont elle doit assurer la relance, juste avant un passage au JT de TF 1. L’ex-candidate à la présidentielle y accule la direction du PS à prendre des sanctions si les faits du livre étaient avérés, ou à attaquer les auteurs s’ils étaient faux. Elle dit surtout ne plus être candidate à la direction du PS. « Pour moi, cette page est tournée. » Elle est déjà dans le « dépassement ».

Devant le conseil national du PS, Bernard Poignant, seul intervenant à s’opposer à une « primaire ouverte », avait averti que celle-ci ne commencerait ni « en 2010 ou 2011 mais, si elle est adoptée, le 2 octobre » , au lendemain du vote des adhérents prévu pour l’adopter. De ce jour, prédisait-il, « les prétendants n’en auront plus rien à faire des adhérents du Parti socialiste ; ils auront à s’adresser à ces milliers de personnes par télévision interposée. Le socialisme militant sera remplacé par le socialisme audiovisuel ». L’analyse était juste ; seule la date était erronée. Ségolène Royal l’a anticipée.

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