Une ville à jeux et à sang

Dans le décor stupéfiant de Las Vegas, Rémy Burkel a suivi cinq affaires criminelles, donnant à voir
la machine judiciaire implacable de Sin City.

Jean-Claude Renard  • 17 septembre 2009 abonné·es

Le décor d’abord : une ville de deux millions d’habitants, fondée par les mormons, au mitan du XIXe siècle. Las Vegas, surnommée Sin City, la ville du péché. Plein désert alentour. À l’intérieur, pléthore de néons, de casinos (dont le chiffre d’affaires annuel atteint 40 milliards de dollars). Boîtes de nuit, restaurants de luxe. Paillettes et artifices. Chaque année, plusieurs dizaines de millions de touristes s’y pressent. Vegas est la première ville hôtelière au monde, avec 120 000 chambres. Et l’envers du décor : 70 000 crimes par an. Las Vegas condense le plus fort taux de criminalité aux États-Unis, de condamnés à mort. Un théâtre sulfureux qui mêle les putes de luxe, les gangs, le fric facile, la dépression, la drogue, l’alcool et les armes. Bref. Il s’y passe toujours quelque chose. Le bien comme le pire. Le pire arrive toujours. Et même plus souvent.

Déjà auteur du remarquable Pain, pétrole et corruption, réalisateur des « Guignols de l’info » entre 1998 et 2006, soutenu par ses producteurs Denis Poncet et Jean-Xavier de Lestrade ( Un coupable idéal ) et l’unité documentaire d’Arte pour ce travail à long terme (trois années), Rémy Burkel a trimbalé sa caméra dans cette cosmogonie à la fois fascinante et repoussante. Objet : suivre cinq inculpations : une femme accusée d’homicide volontaire sur sa fille ; un frère et une sœur accusés du meurtre d’une gamine, risquant la peine de mort, tout comme un membre de gang, d’origine mexicaine, qui se proclame innocent ; un vieillard esseulé, gagné par la folie et l’alcool, ayant buté son voisin ; et un jeune homme d’affaires accusé du meurtre d’un membre d’un gang asiatique. Soit cinq trajectoires accompagnées par des avocats, commis d’office pour la plupart, pugnaces, des juges arbitrant les débats, des jurés et des procureurs promoteurs de la tolérance zéro. Plutôt proche des avocats, le réalisateur rend compte des affaires de la préparation de la défense au procès, en passant par les enquêtes du Ministère public. En somme, une incursion dans le système judiciaire de Las Vegas (ultra-répressif, partisan de la peine de mort), tournée au rythme d’une fiction, chargée d’émotions, dynamique sans être endiablée, parfois caméra à l’épaule, au diapason d’une ville mouvementée, et dont Rémy Burkel rapporte (et dénonce) le message clairement destiné aux touristes : « N’ayez crainte, vous êtes en sécurité chez nous car on est très durs avec les criminels. »

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