Agir dès maintenant

Jean-Paul Besset  • 15 octobre 2009 abonné·es

Il faut obtenir rapidement un report modal du fret de la route vers le rail et refuser les dispositions du plan Borloo prévoyant des milliers de camions supplémentaires sur les routes dès 2010 avec la suppression des deux tiers des wagons isolés. Les investissements prévus dans le « plan fret » prévoient le transfert au rail de deux millions de parcours de camions par an, mais seulement à l’horizon 2020 ! Le quasi-abandon du wagon isolé envisagé par la SNCF entraînera un transfert contraire dès 2010. Cette régression est inacceptable, et il faut agir dès maintenant pour préserver ce qui existe. La SNCF étant une entreprise publique, il appartient donc à la représentation nationale et à l’État d’assurer leurs responsabilités en prenant les mesures suivantes :

– Un moratoire sur le plan de la SNCF pour la suppression du wagon isolé avec l’étude concrète de nouvelles offres structurées de dessertes de territoire ;
– Une subvention d’équilibre versée par l’État à Réseau ferré de France (RFF) pour compenser un montant des péages ramenés au plus bas niveau européen, tant que la qualité des prestations offertes aux opérateurs de fret ferroviaire opérant en France ne sera pas améliorée. La qualité de référence pourrait être celle de l’Allemagne, notamment pour la fiabilité des réservations de transport. Cette décision relève des prérogatives du Parlement lors de la discussion budgétaire.

En 2008, les péages payés par Fret SNCF se sont élevés à 228 millions d’euros, soit 14 % des produits du trafic. En prenant en compte la médiocre qualité des prestations de RFF, les ramener, par exemple, à 5 % des produits du trafic aurait permis à Fret SNCF d’économiser 150 millions d’euros sur cet exercice (près de la moitié du déficit 2008). Face à un déficit prévisionnel 2009 de près de 600 millions d’euros, cela pourrait être un élément conséquent de transition entre une situation actuelle extrêmement dégradée et un possible rebond à moyen terme.
Pour prendre en compte la médiocre qualité de l’accès aux infrastructures par les opérateurs de fret ferroviaire, l’État envisage aujourd’hui de stabiliser en euro constant le montant des péages jusqu’en 2015. Un effort de l’État en faveur d’un report modal suppose d’aller plus loin en réduisant significativement le prix unitaire des péages. Mise en œuvre depuis plusieurs années en Suède, une telle action publique a eu des effets appréciables.

Destinée à l’ensemble des opérateurs de fret ferroviaire opérant sur le territoire français, cette mesure serait parfaitement conforme aux règles communautaires. Et une partie des ressources attendues de la « taxe carbone » pourrait être utilisée à cet effet dès 2010. Sans oublier une application rapide et surtout un renforcement des dispositions de la loi Grenelle concernant l’éco-redevance poids lourds.
Car il ne faut pas oublier que, si les coûts et les avantages écologiques et sociaux de chaque mode de transport ne sont pas pris en compte, les investissements ferroviaires prévus ne seront pas suffisants pour provoquer un report modal à la hauteur des ambitions affichées, ce qui implique la mise en place d’une réelle concertation avec les différentes composantes du Grenelle, à la fois au niveau national et régional.

Publié dans le dossier
Sans-papiers, un juge témoigne
Temps de lecture : 3 minutes