Apparentes contradictions

Retour sur trois scrutins législatifs en Europe. Après l’Allemagne, le Portugal et la Grèce. Bilan contrasté.

Alain Lormon  • 8 octobre 2009 abonné·es

En une semaine, les lignes du paysage politique européen ont quelque peu bougé. Nous avons déjà eu l’occasion (voir Politis n° 1070) de commenter l’effondrement du SPD allemand et la percée de Die Linke, ainsi que le bon score des Verts, il nous faut aussi souligner le très bon résultat du Bloc de gauche, au Portugal, qui obtient 9,85 % et 16 élus, dans un contexte presque plus difficile qu’en Allemagne, puisqu’il n’y a pas eu ici d’effondrement de la social-démocratie. La gauche radicale réussit un score d’autant plus spectaculaire que le Bloc de gauche est suivi par la Coalition démocratique unitaire (CDU) des communistes et des Verts, qui recueille 7,8 % des voix et obtient 15 élus. S’il n’y a pas eu effondrement du PS, il y a tout de même eu une forte érosion. Le parti du Premier ministre, José Socrates, a remporté 36,5 % des suffrages au lieu de 41 %, quatre ans auparavant.

Ce recul du PS portugais sanctionne des réformes économiques et sociales en tout point conformes au credo néolibéral : hausse de la TVA (de 19 à 21 % !), réduction de la Fonction publique, réforme du code du travail, allongement de l’âge de la retraite (à 66 ans !)… À sa première rencontre avec José Socrates, en avril 2007, Nicolas Sarkozy déclarait : « Heureusement que les socialistes français ne sont pas comme lui, sinon j’aurais du mal à me positionner ! » Conséquence de ce reflux, le PS portugais perd la majorité absolue qu’il détenait au Parlement. Avec 96 députés (121 auparavant) sur 230, il aura besoin de l’appoint du Bloc de gauche, qui a doublé le nombre de ses députés, et fait campagne pour la nationalisation d’une partie du secteur bancaire et du secteur énergétique. Son principal porte-parole, le trotskiste Francisco Louçã, a exigé des socialistes « davantage de dialogue » et « un système de protection sociale qui réponde vraiment au chômage ».
Une semaine plus tard, c’était au tour des Grecs de se rendre aux urnes. Le Pasok (socialistes) de Georges Papandréou a échappé à la débâcle ou, à tout le moins, au recul de la social-démocratie européenne. Il a bénéficié d’un réflexe de vote utile dans un contexte de rejet d’une droite corrompue qui avait réprimé les grandes manifestations de la jeunesse, l’an dernier. Et tire profit d’une campagne conduite sur des orientations plus à gauche que celles qui l’avaient mené à la défaite en 2004 et en 2007.

Contrairement à ce qui s’est passé en Allemagne et au Portugal, la gauche radicale antilibérale n’a pas enregistré de percée. Au contraire, Syriza est en léger recul avec 4,5 % des voix. Moins cependant que ce que prédisaient les sondages. L’organisation de la gauche radicale conserve pour l’essentiel ses positions acquises en 2007, où elle avait enregistré une nette progression. Le solde est donc positif sur deux législatures. Le contexte grec est rendu difficile pour « l’autre gauche » en raison de la survivance d’un parti communiste qui n’a pas encore été informé de la chute du mur de Berlin, et qui est donc à peu près infréquentable. Ce qui ne l’empêche pas de garder un certain enracinement, avec 7,5 % des suffrages, et de bloquer toute évolution. Les écologistes, qui n’ont guère de tradition dans ce pays, n’ont obtenu que 2,5 % des voix.
À noter qu’au Portugal, comme en Allemagne, le rassemblement de la gauche antilibérale conduirait à des scores spectaculaires : environ 17 % au Portugal et 21 % en Allemagne. Sans compter la dynamique qui pourrait accompagner de tels résultats. Encore faudrait-il, en Allemagne, que les Grünen clairifient certaines de leurs positions aujourd’hui très néolibérales. On peut toujours rêver.

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