Bientôt des 60 tonnes ! Qui dit mieux ?

Au prétexte de la lutte contre le réchauffement climatique,
des superpoids lourds de plus de vingt-cinq mètres débouleront prochainement sur les autoroutes.

Claude-Marie Vadrot  • 15 octobre 2009 abonné·es

Depuis le mois de juillet, des « mégacamions » sont expérimentés dans la région du Creusot. Ces véhicules, circulant déjà en Scandinavie et à titre expérimental en Allemagne, diffèrent des poids lourds roulant sur le territoire français car ils mesurent 25,5 mètres de long et transportent 60 tonnes. Contre 18 mètres et 40 tonnes pour les camions actuellement autorisés en France. Le lobby des transporteurs routiers tente régulièrement, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, de faire adopter cette nouvelle norme au nom… du développement durable. Officiellement, il s’agit de diminuer le nombre des camions en circulation. En réalité, ces engins vont s’ajouter au trafic existant.

L’entreprise Transport PKM, installée dans l’Oise, se révèle la plus offensive. Son porte-parole au Parlement : le député UMP François-Michel Gonnot, qui se trouve être député de l’Oise. Lui et d’autres ont déjà obtenu des dérogations pour des camions de 57 tonnes. Notamment à partir de la Creuse, où neuf gares de marchandise ont été fermées depuis 2002. Ces suppressions ont mis 10 000 camions supplémentaires par an sur les routes du département.

L’exemple de la Creuse n’est pas isolé et montre que le nombre des camions immatriculés en France (plus de 560 000) n’est pas près de diminuer. Il faut y ajouter tous ceux en provenance des pays du Nord qui traversent la France pour gagner l’Espagne et le sud de l’Europe. Et, pour éviter le ferroutage suisse obligatoire, beaucoup de transporteurs préfèrent prendre le tunnel du Mont-Blanc (500 000 en 2008), le tunnel de Fréjus (823 000 en 2008) ou descendre jusqu’à Vintimille, qui enregistre le passage de 1,4 million de poids lourds.

La liaison de ferroutage Aiton-Orbassano, embryon de la liaison Lyon-Turin, dont la date d’achèvement est repoussée chaque année, absorbe un peu moins de 30 000 camions par an, ce qui représente 0,18 % du trafic routier transalpin. Quant à l’autoroute ferroviaire Luxembourg-Perpignan, en service depuis 2007 et gérée par Lorry-Rail SA, une entreprise dans laquelle la SNCF est minoritaire (12,5 % du capital), elle ne charge, au mieux, qu’une vingtaine de camions par jour alors qu’elle pourrait en transporter 40. Si tout va bien, disent ses responsables, en 2015 elle sera en mesure de convoyer 600 camions…

Autre décision qui n’induira pas une diminution du trafic, la Commission de Bruxelles prépare une directive qui permettra aux chauffeurs de travailler 86 heures par semaine au lieu des 56 actuelles. Cette dérogation, qui ne concerne que les chauffeurs indépendants et additionne le temps de conduite et le temps de déchargement, va permettre aux entreprises de diminuer le nombre de leurs salariés en affrétant des artisans soumis à moins de contraintes. Ces chauffeurs propriétaires de leur véhicule sont recrutés en Roumanie, en Bulgarie ou en Slovaquie, ce qui permet de leur verser des forfaits inférieurs aux salaires et sans charges sociales. Ce dumping ne diminuera pas le trafic des marchandises utilisant la route, trafic qui est passé de 160 à plus de 320 milliards de tonnes/kilomètre au cours des vingt dernières années. Pendant ce temps-là, en France comme dans le reste de l’Europe, le réseau ferré continue de se dégrader et de diminuer : à peine 40 000 kilomètres sur le territoire français contre 100 000 au début du XXe siècle.

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