De quels droits ?/La méthode Coué

Christine Tréguier  • 15 octobre 2009 abonné·es

À peine sortie, voilà le rapport sur l’efficacité de la vidéoprotection (voir Efficace, la vidéosurveillance ? Politis n° 1067) contesté dans ses conclusions. Cette étude, première du genre en France, avait été confiée à l’Inspection générale de l’Administration (IGA), l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) et l’Inspection technique de la gendarmerie nationale (ITGN). Dans ce document, rendu public tardivement, les auteurs concluent à « un impact significatif de la vidéoprotection en matière de prévention puisque le nombre de faits constatés baisse plus rapidement dans des villes équipées de vidéoprotection que dans celles où aucun dispositif n’est installé ».

Le caractère « à la louche » de cette affirmation a incité deux chercheurs spécialisés dans le domaine, Tanguy Le Goff et Éric Heilmann, à se pencher sur ledit rapport. Ils ont analysé à leur tour les chiffres fournis par la police et les brigades de gendarmerie. Pour eux, l’étude ne prouve rien. « Faute de respecter certaines règles méthodologiques, expliquent-ils, il est impossible d’inférer une éventuelle baisse d’un type de délinquance de la seule présence d’un système de vidéosurveillance. C’est pourtant le tour de force auquel se livrent les auteurs du rapport imputant mécaniquement toute baisse de la délinquance à l’installation d’un dispositif de vidéosurveillance au risque d’en tirer d’étonnantes conclusions. » Certains pays européens n’ont pas attendu la France pour réaliser des études évaluatives, et la méthodologie est connue. La règle numéro un est de ne comparer que ce qui est comparable. Les experts travaillent donc en général sur des cas très contextualisés, en distinguant les différents types de lieux (parkings, rues, quartiers d’habitat social, lycées etc.), et les différents types de délits. Le rapport français, lui, mesure l’impact des caméras sur des villes entières et s’appuie sur les statistiques de la délinquance générale, lesquelles incluent des infractions sur lesquelles la surveillance n’a aucune action. Mieux, confrontés à des chiffres attestant d’une baisse quasi identique des atteintes aux biens dans des zones équipées et non équipées, les auteurs en déduisent… « une diffusion des bénéfices de la vidéosurveillance au-delà des zones équipées ».

Autre anomalie relevée par les deux chercheurs, l’impact des caméras sur les atteintes aux personnes. Une bonne quarantaine d’études étrangères montrent que la vidéosurveillance, si elle est bien gérée, permet de mieux répertorier ces actes, donc a tendance à faire augmenter leur nombre dans les statistiques policières. Le rapport français, lui, constate une baisse des chiffres dans certaines zones équipées et conclut là encore à l’efficacité de la vidéosurveillance. Idem pour les taux d’élucidation : 770 faits élucidés répertoriés en 2008, seraient le signe d’« une amélioration significative » . Mais rapportés à chacune des 63 brigades de gendarmerie dont ils sont issus, les chiffres se réduisent à… un fait élucidé par mois. Un peu mince pour justifier un budget d’aide à l’équipement qui vient de passer de 12 à 20 millions d’euros.

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