Un homme de goût

Publié en 1902, le Guide culinaire d’Auguste Escoffier est enfin réédité. À lire comme une encyclopédie gourmande et savante d’un autre temps.

Jean-Claude Renard  • 8 octobre 2009 abonné·es

Le dix-neuvième siècle s’apprête à tirer le rideau. Les fourneaux vivent leur révolution industrielle. Il est alors un cuisinier inspiré, inspirateur, aux aguets des bouleversements, aux basques des proches temps modernes : Auguste Escoffier (1846-1935), casseroleur en chef du Savoy Hôtel puis du Carlton à Londres, officiant pour les têtes couronnées du joli monde.
Comme d’autres après Marie-Antoine Carême et Urbain Dubois, comme Édouard Nignon, son contemporain, Escoffier régale à travers l’Europe, assied l’hégémonie française dans les cuisines des palaces avec ses manières de table. Tandis que la Troisième République gave ses privilégiés de plats décoratifs valant bien l’art pompier de Meissonnier, Escoffier publie son premier ouvrage, le Guide culinaire (1902). Il s’impose d’emblée auprès de ses pairs, avant de ­connaître multiples éditions, revues, rafraîchies et augmentées, jusqu’en 1921. Ce Guide culinaire est aujourd’hui réédité, avec ses préfaces et avant-propos successifs. C’est là « un outil plutôt qu’un livre » , commente son auteur, à l’origine de la simplification des menus et de la cuisine légère, grand codificateur, déclinant les associations, les fonds, les garnitures et les sauces.

Professoral, au ton parfois ampoulé, il décline 5 000 formules (des sauces aux hors-d’œuvre, des entremets aux pâtés et terrines, des rôtis aux potages, des sandwiches aux desserts). Soit un aide-mémoire pratique, « en rapport avec les nécessités de la vie ultrarapide qui est celle de nos jours », écrit-il en 1902, amené « par la force des choses à supprimer les socles, à créer de nouvelles méthodes de dressage simplifié et, pour appliquer ces méthodes, à créer également un nouveau matériel » . Foin des bordures et hâtelets, mais une cuisine « pour combattre les désastreux effets de la suractivité moderne sur les centres nerveux, qui deviendra même plus scientifique et plus précise ».
Escoffier a tôt eu conscience des transitions de la table. Conscient aussi « des exigences de la clientèle contemporaine » , hâtée et pressée, qui l’incite à séparer les tâches, à redistribuer plus rationnellement les rôles des cuisiniers au-dessus des fourneaux, à user dans ses plats de fumets et de veloutés pour satisfaire des estomacs en quête de légèreté. Du soufflé de bécasse à la timbale d’amourettes.

Culture
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