Vous avez dit bazar ?

« Les Enfants de Saturne », bric-à-brac poético-mythologique, montre un Olivier Py
à bout de course.

Gilles Costaz  • 1 octobre 2009 abonné·es

0livier Py fut longtemps un jeune homme béni par les fées. Il fut très tôt l’un des auteurs phares du festival d’Avignon. On lui donna un centre dramatique, celui d’Orléans, puis – promotion suprême – l’Odéon-Théâtre de l’Europe, qu’il dirige joyeusement depuis deux ans. On l’aime bien, Olivier Py, ce lutin chrétien qui reçoit les ministres en baskets, ce citoyen politisé qui lutta pour la Bosnie écrasée par la Serbie, cet acteur metteur en scène qui ne sert pas seulement ses œuvres mais aussi Claudel et des écrivains de sa génération. Mais sans doute a-t-on été trop indulgent avec son œuvre elle-même, si proliférante qu’étourdi par tant de pages (il a notamment composé une pentalogie qui dure 24 heures !), on a préféré voir les qualités et négliger les scories. Voilà que, face à sa dernière pièce, l es Enfants de Saturne, on ne voit plus que les défauts !

C’est pourtant du Py pur jus. Un patron de presse nommé Saturne maintient en vie un journal menacé tandis que tout craque autour de lui, sous la pression funèbre qu’il exerce. L’un de ses fils nourrit un amour incestueux pour son propre enfant et n’envisage de l’assouvir qu’à travers l’étreinte avec un autre jeune homme. Un autre fils de Saturne est amoureux, lui, de sa sœur, qui répond à son amour. Dans la chambre et le bureau directorial, les pulsions sadomasochistes – plus souvent sadiques que masochistes, pour être précis – et la mort mènent la danse jusqu’à une irréelle fuite d’un fils et de son double.

Toute une série de symboles et de relations avec les récits bibliques et mythologiques peut être déployée pour assurer la défense de ce récit théâtral aussi ambitieux que pompeux. Mais, si le grand spectacle est garanti (avec trois aires réparties dans l’espace, que le public rejoint sans changer de place, assis sur les fauteuils de gradins qui pivotent sur eux-mêmes), l’écriture de Py n’en peut plus d’aligner ses formules crypto-claudéliennes et ses prophéties de bazar. L’éternel problème de Py est de ne pas trouver le secret de la fusion entre ses inspirations diverses, du mysticisme à la blague de potache, qui se superposent en tranche napolitaine. Les acteurs, Bruno Sermonne, Michel Fau, Matthieu Dessertine, Philippe Girard, Frédéric Giroutru, Amira Casar (ici, l’ombre de ce qu’elle est à l’écran), ont bien du courage. Il en faut à tout le monde, spectateurs compris.

Culture
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