De quels droits ?/Sale temps pour les militants

Christine Tréguier  • 26 novembre 2009 abonné·es

Dans un texte publié le 12 novembre, le Collectif liberté, égalité, justice (Clej) [^2] s’élève contre une répression de la contestation de plus en plus palpable. Pour Mathieu Bonduelle, secrétaire général du Syndicat de la magistrature et membre du collectif, « ce n’est pas nouveau, mais c’est une tendance lourde et inquiétante ». En deux ans, les tentatives pour museler toute forme de critique et de refus d’une société qui s’éloigne des fondamentaux démocratiques se sont multipliées. Les interpellations abusives de jeunes manifestants pour de supposés outrages ou des jets de cannette sur des policiers sont monnaie courante. Ceux qui se risquent à afficher un « Casse-toi pov’con » ou à crier « Sarkozy, je te vois » sont passibles de procès. Les nouvelles formes de désobéissance civile – faucheurs d’OGM, barbouilleurs d’affiches, etc. – sont dissuadées par des arrestations et des prélèvements obligatoires d’ADN. L’assistance aux plus démunis est pénalisée. On a encore en mémoire la condamnation du DAL pour «  dépôt d’objets sur la voie publique » (en l’occurrence des tentes pour les SDF), et l’arrestation de deux femmes de Calais accusées d’avoir aidé des sans-papiers. L’affaire de Tarnac témoigne à elle seule de cette criminalisation outrancière : on y a vu un livre assimilé à un crime contre l’État et, souligne le magistrat, un mode de vie pénalisé.

Dans le collimateur également, les syndicalistes un peu trop actifs. Le président de l’ Union syndicale des travailleurs kanaks et des exploités (UTSKE) a pris un an de prison ferme pour « entrave à la circulation d’un aéronef » à la suite d’une opération coup-de-poing dans l’aéroport. Les Conti – alias les salariés de Continental à Clairoix – ont écopé de peines de sursis pour « destruction de biens d’utilité publique en réunion » après leur coup de colère à la préfecture. La dissension n’est pas plus appréciée chez les fonctionnaires, en butte aux mesures de rétorsion de leur hiérarchie. Nombre d’enseignants-chercheurs impliqués dans le mouvement universitaire contre la LRU (loi relative aux libertés et aux responsabilités des universités) ont subi réductions de salaire et sanctions administratives. Idem pour les directeurs d’école refusant de renseigner le fichier Base élèves. En Seine-Saint-Denis, ce sont quatre éducateurs affiliés au Syndicat national des personnels de l’éducation et du social (SNPES) qui ont été mutés à l’issue d’une procédure disciplinaire portant, non pas sur une faute, mais sur des pratiques professionnelles déplaisant à leur hiérarchie.

« Face à la multiplication des cas de répression et d’intimidation rapportés par les uns et les autres, explique Mathieu Bonduelle, l e Clej a décidé d’en faire un axe de travail. Autant le sécuritaire est très documenté, autant la question sociale, la “punition” des pauvres et des militants, l’est moins. Nous voulons donc recenser toutes ces atteintes au mouvement social, aux militants, les pressions disciplinaires des administrations, et éditer un bulletin régulier pour les faire connaître et les dénoncer. »

[^2]: Fondé en 2007 après le vote de la loi sur les peines planchers, le Clej s’est donné pour objectif de dénoncer une société qui démantèle l’État social et renforce sans cesse l’État pénal, et de proposer des alternatives. Il réunit des associations de défense des libertés, de professionnels et de citoyens, des syndicats et des partis politiques.

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