Un scrutin contestable

Le mode retenu pour élire les conseillers territoriaux n’est bon ni pour la parité ni pour le pluralisme. Mais favorise l’UMP.

Lena Bjurström  • 19 novembre 2009 abonné·es

Les futurs conseillers territoriaux seraient élus pour 80 % d’entre eux au scrutin majoritaire uninominal à un tour dans le cadre de cantons redécoupés, et pour les 20 % restants à la proportionnelle sur scrutins de liste départementaux. Ce mode de scrutin sans précédent est très contesté. Ses détracteurs lui reprochent de faire deux victimes : la parité et la démocratie.

Ce sont les présidentes des délégations aux droits des femmes des trois chambres de la République, l’Assemblée nationale, le Sénat et le Conseil économique et social environnemental, qui ont tiré la sonnette d’alarme. Pour Marie-Jo Zimmerman (UMP), Michèle André (PS) et Françoise Vilain, la sœur de Jean-Pierre Raffarin, l’élection des conseillers territoriaux au scrutin uninominal conduirait à un recul de la parité. Celle-ci ne s’impose qu’aux scrutins de liste, et il a été observé que, dans le cas d’un scrutin uninominal, les femmes sont largement négligées. Si le gouvernement se veut rassurant en annonçant l’arrivée dès 2014 de 40 000 femmes dans les conseils municipaux des communes de 500 à 3 500 habitants grâce au scrutin de liste que la loi instaure, cela ne règle pas pour autant le problème de la représentation des femmes au niveau territorial.

Totalement inédit en France, le scrutin majoritaire à un seul tour menace le pluralisme politique. Ce scrutin, utilisé dans des pays comme l’Allemagne et la Grande-Bretagne, favorise en effet l’instauration du bipartisme. Les électeurs, ne disposant que d’un seul tour pour faire passer leur opinion, sont poussés à voter « utile », ce qui favorise les grosses formations partisanes et relègue aux oubliettes les petits partis. Les Verts dénoncent d’ailleurs un « hold-up électoral » , et le PCF «  une régression démocratique sans précédent ».

La gauche y voit aussi une véritable machine de guerre pour l’UMP. Ces dernières années, le parti présidentiel s’est très souvent retrouvé en tête au premier tour des élections pour être parfois battu au second. Ces derniers mois, avec l’intégration du MPF de Philippe de Villiers et des partisans de Frédéric Nihous dans sa majorité, Nicolas Sarkozy s’est encore employé à renforcer la puissance de son parti au premier tour, face à une gauche divisée. À l’heure où des contestations agitent l’UMP, l’instauration du scrutin majoritaire à un tour, et la nécessité de rester unis qu’il impose, permettra de « verrouiller l’union de la droite » , explique déjà le politologue Pierre Martin dans les Inrocks (29 octobre).

Enfin, certains s’inquiètent de la possible extension de ce mode de scrutin à d’autres élections. Plusieurs membres de l’UMP, tel Jean-Pierre Raffarin, espèrent l’instauration de ce mode de scrutin aux législatives. Pour l’heure, l’Élysée affirme que ce n’est pas d’actualité. Ce qui n’est pas des plus rassurants. Le mode d’élection inédit des conseillers territoriaux pourrait bien n’être qu’un ballon d’essai.

Publié dans le dossier
La contre-révolution Sarkozy
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