Copenhague : les associations à l’assaut du sommet climatique

Le 5 décembre, la seizième grand-messe internationale consacrée au climat a débuté à Copenhague.
De nombreuses associations de défense de l’environnement y sont représentées.

Claude-Marie Vadrot  • 10 décembre 2009 abonné·es
Copenhague : les associations à l’assaut du  sommet climatique

Quelques heures après être descendue en rappel de la tribune du public vers les travées de l’Assemblée nationale, lors de l’action éclair organisée par Greenpeace le 2 décembre, Karine Gavand, responsable des campagnes climat de l’ONG, était à Copenhague, dans les couloirs déjà surpeuplés de la conférence, qui a débuté samedi 5. Les représentants d’autres bureaux de l’association dans le monde sont venus, notamment trois délégués de Chine : « Ils font ce qu’ils peuvent, explique la militante, et ce n’est pas toujours facile pour eux, mais les délégués chinois ont participé à la préparation de nos objectifs. » Pour elle, les actions spectaculaires ne s’opposent pas au travail avec des experts et des politiques : « Nous assumons d’être à la fois dedans et dehors. Cela ne nous a pas empêchés de rencontrer Jean-Louis Borloo lundi. Pas plus que cela n’a entraîné l’annulation de notre présence dans la délégation reçue le 10 décembre par le président de la République. » Sans être dupe, puisque la représentante de Greenpeace explique qu’il ne faudra pas se laisser prendre aux discours enflammés des politiques, et ne pas confondre leurs paroles, leurs actes et les décisions. Selon elle, l’enjeu est à la fois de peser sur les discussions par une constante diplomatie de couloirs et de rapprocher les citoyens du Sud et du Nord dans les combats à mener : « On nous a reproché de nous être intéressés à l’avenir du vin alors qu’il s’agit de montrer que tous les pays sont et seront affectés par le réchauffement, y compris dans ce qui nous touche le plus. »

Karine Gavand martèle l’importance, au cours des jours à venir, d’éviter « les fausses bonnes nouvelles » , comme le paquet climat européen, indûment présenté comme un succès. Ce qui implique, pour la plupart des grandes associations, d’être attentif aux moindres détails : « En fait – les citoyens doivent le savoir –, tout est déjà écrit, mais avec des dizaines de passages entre crochets qui indiquent les désaccords. À nous de les faire sauter un à un car, pour l’instant, nous sommes entre 17 et 20 % de réduction pour les pays industrialisés, alors qu’il faut absolument atteindre 40 %. Tout en fixant de façon claire comment seront organisés les financements pour les pays du Sud. Il nous faut aussi prendre garde à la menace du “greenwashing” préparé par les industriels, très présents au côté des délégations. »

Quand on lui demande si elle est optimiste, Karine Gavand répond sans hésitation par l’affirmative : « Sans cela, nous ne serions pas là. Mais nos experts juridiques et scientifiques vont veiller au grain, et je pense que l’ampleur de la manifestation du 12 décembre pèsera sur les décisions des chefs d’État. » Un sentiment partagé par Serge Orru, le patron de WWF-France, au sortir de la flash-mob parisienne du samedi 5. Il ajoute que la présence des 110 spécialistes du WWF couronne trois années de négociations et leur donne un véritable statut de diplomates engagés auprès des experts gouvernementaux et des politiques. Ces derniers « sont conscients que la planète se trouve au carrefour d’une crise politique, économique, alimentaire et surtout sociale. Et que cette hybridation des crises doit obliger tous les pays à mettre en place une justice climatique et une justice sociale. Reste à obtenir des décisions. Je ne sais pas ce qui l’emportera entre la prudence et l’urgence. Mais, déjà, je remarque que l’on nous écoute, alors qu’il y a quelques années régnaient l’autisme, la désinvolture et le dénigrement. On a gagné sur la prise de conscience. Il faut maintenant des actes et des objectifs contraignants, un engagement de diminuer les émissions de 40 % dans les nations industrialisées. Nous ne nous contenterons pas de quelques belles chansons. Il faut qu’en 2050 les émissions soient de 2 tonnes par an et par terrien alors que nous en sommes à 8 tonnes pour la France, 9 pour l’Allemagne, 21 pour les États-Unis, 4,5 pour la Chine et 4 pour l’Inde. Ce qui implique une fantastique reconversion économique, sans oublier qu’il faut aider massivement les pays du Sud à ne pas démanteler leur biodiversité » .

Serge Orru ne se veut ni pessimiste ni optimiste, il gardera espoir jusqu’au 18 décembre et souhaite que la manifestation unitaire du 12 décembre à Copenhague se passe sans incident.
Pour France Nature environnement et sa chargée de mission climat, Gaëlle Cognet, Copenhague doit réussir à faire la liaison « entre des négociations hors-sol et des citoyens qui peuvent se sentir exclus. Il faut sans arrêt rappeler l’importance de la société civile aux politiques. Cela passe par des actions et des explications au niveau de nos trois mille associations de terrain, et la présence auprès des négociateurs. Nous souhaitons ne pas être seulement des distributeurs de bons et de mauvais points. Nous voulons que le sommet soit bien plus efficace que le Grenelle de l’environnement et, surtout, impliquer les pays du Sud, qui pour l’instant n’ont plus confiance dans les nations industrialisées ».

Cette analyse est aussi celle de Caroline Prak, pour les Amis de la Terre, présents dans 77 pays, qui voudrait que la notion de « justice climatique et énergétique » avancée par toutes les associations (même si persiste, entre elles mais aussi au sein des Amis de la Terre, une division sur la pertinence des marchés carbone) soit transformée par les politiques en « authentiques solutions énergétiques alternatives accessibles à tous les pays, à commencer par ceux qui gaspillent depuis des dizaines d’années » . Et quand on lui demande comment faire, elle répond, comme beaucoup d’autres : « Une seule solution : faire pression, faire pression et encore faire pression. »

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