Un bon petit médoc

Une soirée sur l’automédication.
Un marché économique
qui arrange la Sécu
et les laboratoires.

Jean-Claude Renard  • 10 décembre 2009 abonné·es

Une boîte de paracétamol, du Spasfon-Lyoc, un sirop contre la toux, des pastilles pour calmer une gorge enflammée, une boîte d’aspirine, des antidouleur, des antalgiques, des antigrippaux ou anti-inflammatoires, des comprimés en pagaille, de pleins paquets de gélules. L’offre se veut hétérogène, disparate. Les pharmacies sont des supermarchés à peine masqués, avec leurs têtes de gondole et leurs effets de promo. Mais surtout, dans toutes les boutiques, obtenir un produit hors prescription médicale est devenu une routine, le médicament s’est banalisé, substances actives oubliées. Et pour peu qu’on connaisse bien son pharmacien, on peut avoir des médicaments délivrés sur ordonnance sans être muni du papier ad hoc.
Aujourd’hui, 80 % des Français auraient recours à un traitement sans l’avis d’un médecin pour des problèmes de soins courants. Avec ou sans risque ? C’est la première question que pose cette soirée sur l’auto­médication, avec un documentaire de Claire Feinstein suivi d’un débat en direct, animé par Marina Carrère d’Encausse et Michel Cymes, les deux chefs d’orchestre du magazine de la santé sur France 5.

En 1991, une campagne officielle de l’Assurance-maladie soulignait qu’«  un médicament ne se prend pas à la légère » . Pointée du doigt alors, l’automédication est aujourd’hui bien perçue des autorités sanitaires. Forcément, au regard du déficit de la Sécu, dépassant la dizaine de milliards d’euros. Elle participerait donc à la responsabilisation du citoyen sur ses problèmes de santé. Pour l’Assurance-maladie, c’est une opération blanche qu’il s’agit même d’encourager. Là-dedans : la belle vie du placebo. Et pour les laboratoires pharmaceutiques, c’est un marché immensément juteux – sans passer par la case du conseil du médecin généraliste (dépassé par le conseil du pharmacien).

Si l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) tient une part de responsabilité dans la mise sur le marché de médicaments, la réalisatrice souligne les risques de l’automédication, entre addictions, surdosages et interactions dangereuses. Cela se traduirait par 140 000 hospitalisations par an et 10 000 morts, selon les mêmes autorités sanitaires. Paradoxe et mauvaise foi au détriment des patients. Tandis qu’Internet multiplie les offres d’achat. Parce que le malade est d’abord un consommateur.

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