Écologiquement ravagé

Claude-Marie Vadrot  • 21 janvier 2010 abonné·es

Un chiffre symbolise l’état écologique d’Haïti : les espaces boisés ne couvrent plus que 0,9 % des 27 000 kilomètres carrés de cet État, dont l’environnement est sinistré depuis des années. Faute de combustibles pour faire la cuisine, parce que 90 % des ruraux et citadins n’ont pas les moyens d’acheter des bouteilles de gaz, les habitants ont recours au charbon de bois local. Quand les arbres manquent, ils passent des heures à extraire à la pioche les racines des arbres coupés pour élaborer, dans des conditions nuisibles à leur santé, ce précieux combustible. L’île n’est plus qu’une série de monts chauves sur lesquels la pluie entraîne la terre vers la mer. Environ 40 millions de tonnes disparaissent chaque année. Plus encore lors des cyclones, mettant les roches à nu ; ce qui reste de terre est alors entraîné par des flots d’eau boueuse ravageant tout sur leur passage, provoquant chaque fois des centaines de victimes. Cela rend de plus en plus aléatoires les récoltes, qu’il s’agisse de grandes ou de moyennes plantations,
ou bien de jardins vivriers, alors que ces derniers sont vitaux pour la survie de nombreuses familles.

Cette situation a commencé quand de grandes sociétés américaines ont entrepris d’installer de vastes plantations en déboisant et en appauvrissant ce qui restait de sol cultivable. Le café et la canne à sucre ainsi produits les ont enrichies, de même que quelques Haïtiens.

Les conséquences sont multiples : perte de biodiversité, modification irrémédiable des microclimats, épuisement des nappes souterraines vitales – 400 des rivières ont disparu ou ne coulent que quelques semaines par an. Cet assèchement a atteint un niveau inquiétant depuis le milieu des années 1990, provoquant la disparition des nombreux poissons d’eau douce qui faisaient l’ordinaire des habitants. Et dans la plaine de l’Arbonite, au Nord, les riziculteurs n’ont plus assez d’eau.

Cette île écologiquement sinistrée a perdu les deux tiers de ses terres cultivables depuis 1940. Et l’espérance de vie est descendue à 52 ans, du fait de la forte mortalité infantile – l’une des plus élevées du monde – liée à l’insalubrité.

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