Mano Solo est mort

Politis.fr  et  Juliette Collen (AFP)  • 10 janvier 2010 abonné·es
Mano Solo est mort

D’une voix déchirante, il chantait le désespoir, la mort qui le guettait et le Paris populaire sur des mélodies tantôt sombres, tantôt entraînantes : Mano Solo, artiste écorché vif et atypique, atteint du sida depuis de longues années, est mort dimanche à 46 ans.

Mano Solo a été emporté par« plusieurs anévrismes », ont annoncé sa famille, sa compagne et sa collaboratrice. Il avait été hospitalisé après son dernier concert à l’Olympia à Paris, le 12 novembre. « Il a lutté courageusement pendant deux mois et jusqu’au bout », a confié sa famille.

Son oeuvre engagée et musicalement riche lui a valu trois disques d’or. Au fil de ses albums, il a réussi à marier la chanson réaliste et le rock indépendant, avec des sonorités variées issues du tango, du flamenco, de la java parisienne, de rythmes africains et du jazz manouche.
Mano Solo, né Emmanuel Cabut en 1963 à Châlons-sur-Marne, est le fils du dessinateur Cabu et de la journaliste Isabelle Monin, co-fondatrice du magazine écologique «La gueule ouverte».

Il constitue un premier groupe de musique, «La Marmaille nue», qui donnera son nom à son premier album en 1993. Sur scène, où il excelle, Mano Solo devient un habitué du Tourtour dans le quartier Beaubourg à Paris. Après «Les années sombres» en 1995, il enregistre un album avec un groupe punk, «Les frères misère».

Visage anguleux, look un peu punk, c’était un véritable poète du Paris populaire, à l’instar de Renaud vingt ans auparavant : il a chanté Barbès, la place Clichy, le canal Saint-Martin – avant que celui-ci ne s’embourgeoise.
« Putain que c’est beau la vie quand on r’monte sur Paris », chantait cet amoureux de la capitale. Il lui avait aussi rendu un bel hommage dans «Botzaris», avec la collaboration des «Têtes Raides».

De sa voix déchirante et vibrante, reconnaissable entre mille, Mano Solo le révolté parlait aussi du désespoir de toute une génération face aux échecs amoureux, à la drogue et surtout de sa détresse due au sida, dont il était atteint depuis la fin des années 1980.

Ces chansons étaient très noires dans les années 1990 mais la rage de vivre qui en émanait donnait de l’espoir, porté par des mélodies pleines de pêche qui faisaient guincher les salles de concert.
« Moi tu vois avant de crever, j’voudrai laisser couler de la morve d’un petit nez, un p’tit sourire, un p’tit bout d’éternité », chantait l’artiste qui n’a pas pu avoir d’enfants à cause du sida.

Dans les années 2000, à partir de l’album «Dehors», ses oeuvres étaient plus optimistes. Et le chanteur, soigné par la trithérapie, n’aimait plus qu’on lui colle l’étiquette du «chanteur du sida». Son dernier album, « Rentrer au port », est sorti en septembre 2009. Artiste engagé, il soutenait notamment une association d’aide à la population malgache. Mano Solo était aussi peintre et dessinateur, et illustrait généralement les pochettes de ses albums.

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