Sushis mortels

Dans une œuvre
aux accents épiques, Angela Graas filme le combat de Greenpeace contre la pêche aux baleines par le Japon.

Jean-Claude Renard  • 28 janvier 2010 abonné·es

Au bout des mers du Sud. Et du monde. Là où les baleines sont protégées. Toutes les nations
respectent cette zone. Toutes ? Non. En dépit d’un moratoire international (décrété en 1986) sur la chasse à la baleine, le Japon demeure l’un des trois pays (avec la Norvège et l’Islande) à tuer ces cétacés pour entretenir sa consommation de sushis, en invoquant un alibi scientifique. En 2008, son quota de pêche a été fixé à mille baleines par an dans les eaux protégées de l’Antarctique. Une exception que l’association Greenpeace combat. Mille Baleines , c’est aussi le titre choisi par Angela Graas pour ce documentaire. Trois mois durant, elle s’est glissée dans le quotidien d’un bateau de l’association, l’Esperanza, naviguant dans les mers du Sud, marquant à la culotte la flotte japonaise. Son but : ralentir, repousser la pêche et le massacre des baleines.

Avant cela, c’est la chasse, les efforts d’une course poursuite pour retrouver la trace des Japonais. Et, face aux cargos géants, la lutte revêt des allures de combat entre David et Goliath. La grosse flotte contre le frêle canot qui s’encastre entre les embarcations industrielles. Le film s’avance à la façon d’un journal de bord, rédigé auprès de l’équipage, de militants bien décidés à s’opposer aux harpons meurtriers. Il n’y aura guère qu’un problème de carburant pour les obliger à relâcher la lutte. Mais peu importe. Le propos de la réalisatrice est d’abord de livrer les éléments d’un massacre écologique.

Illégal. Sans négliger une réalisation formelle remarquable, filmant une féerie aux confins du désastre. Les gros plans à l’intérieur du bateau, sur le pont, fixant les tensions humaines au fil des jours ou la verticalité d’un mât, les plans larges sur l’immensité des ­paysages. Le gigantisme des icebergs, les ciels étoilés, les aubes bleutées, les manchots gigotant sur la banquise, les bancs de baleines et les couchers de soleil orangés. Rehaussant la féerie terrifiante, la réalisatrice ajoute des images du marché de Tsukiji, le plus grand marché aux poissons à Tokyo, avec ses enchères au thon, ses caisses de chairs vivantes, ses éclats d’écailles, ses envolées de nageoires. Le documentaire vire du périple à l’épique, tandis qu’Angela Graas se défend de parti pris écologique. À vrai dire, les images suffisent.

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