Décrochage pour Sarko

Christophe Kantcheff  • 18 février 2010 abonné·es

C’est l’une des histoires les plus accablantes que le monde des arts ait connues ces dernières années. Il a fallu que l’artiste chinoise Ko Siu Lan participe à une exposition collective en France, plus précisément à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts (ENSBA), pour qu’une de ses œuvres se voie censurée ! Cette œuvre, prévue pour être exposée à l’extérieur de l’école, est composée de deux bannières où sont inscrits les mots, aux rectos et aux versos : Travailler/Gagner et Plus/Moins, jouant bien entendu avec le slogan sarkozyste, « travailler plus pour gagner plus » . Alors que ses services l’avaient acceptée, Henri-Claude Cousseau, directeur de l’ENSBA, a décidé la veille du vernissage, le 11 février, de faire décrocher l’œuvre.

Les deux principaux arguments avancés pour justifier cet acte de censure méritent attention tant ils témoignent d’une parfaite maîtrise de l’esprit de servilité. Premièrement, l’œuvre risquait de gêner le renouvellement en cours de ses financements par les ministères. Deuxièmement, elle « pouvait constituer une atteinte à la neutralité du service public et instrumentaliser l’établissement ». Henri-Claude Cousseau a aussi eu le courage de s’enfuir derrière une porte quand, le lendemain, Ko Siu Lan, jeune femme d’une trentaine d’années qui ne s’en est pas laissé conter, s’est rendue dans les locaux de l’ENSBA pour lui demander de plus amples explications. L’épisode serait comique s’il n’était affligeant !

Face à la pression médiatique, le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, qui a mis vingt-quatre heures pour prendre cette décision, a ordonné au directeur de l’ENSBA de raccrocher l’œuvre et a présenté ses excuses à l’artiste. Soit. Mais quid du valeureux Cousseau et de son inquiétant message vis-à-vis des artistes, des étudiants de l’ENSBA et de la liberté de création ? Pourquoi pas une séance publique d’autocritique sur le thème : l’art et la « neutralité du service public »  ?

Culture
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