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Fabrice Melquiot met en scène « Tarzan Boy », le premier volet de sa trilogie romanesque inspirée par Modane, sa ville natale.

Gilles Costaz  • 18 février 2010 abonné·es

«Je suis né à Modane, Savoie, en 1972. Dans la vallée de la Maurienne. Un trou à rats. La plus belle ville du monde. Le plus beau trou du monde. » Ainsi s’exprime le personnage principal de Tarzan Boy , de Fabrice Melquiot. Cet adolescent, c’est à la fois Melquiot et tout le monde à cet âge-là, mais en province. Parce que Modane, ce n’est pas Paris ou Lyon, c’est l’une de ces multiples villes françaises où l’on étouffe un peu, mais où l’on n’en croit pas moins que la vie s’apprend dans cet horizon fini ou infini selon le regard de chacun. Il est ­incroyable, ce Melquiot : il vient de publier une trilogie inspirée par Modane, et il en met lui-même en scène le premier volet, ce Tarzan Boy . Modane, cité ferroviaire et savoyarde qui n’a pas 4 000 habitants, est pour lui le monde tel qu’on le découvre en naissant, et une ville frontière où se reflète sa double culture familiale, italienne et française.

Melquiot dit de Tarzan Boy que c’est son « histoire impersonnelle » , par pudeur et parce qu’il n’a pas fait une pièce strictement autobiographique. Mais il a gardé les références de son temps à lui, les années 1980-1990. Voilà un lycéen qui deviendra auteur de théâtre et vit avec son frère et une série de copains. Il voudrait ­embrasser Betty et aller plus loin, mais l’amour, comme le monde, ne se fait pas en un jour. Il vit dans les références musicales parce que la radio locale ne cesse de dédier tel disque à tel habitant, au gré des coups de fil des auditeurs. Et parce qu’il aime Bruce Springsteen, The Cure et tous les artistes dont il discute avec ses amis. Il cite Kierkegaard et Hallyday, la jeune fille parle des Aztèques et des Mayas. Ainsi tourne, jusqu’à l’âge adulte, jusqu’au départ, ce que l’auteur nomme une « chanson-drame ».

Tout est dans le désordre. Un ­désordre savant, de mémoire et de palabre endiablée, que la mise en scène (la première de Melquiot) organise comme un jeu, dans l’esprit du Rubik’s Cube, où la violence de la vie et de la découverte de la sexualité plante tout à coup ses flèches. Daniel San Pedro, Guillaume Ravoire, Elsa Rozenknop, Paul-Marie Barbier sont étourdissants dans leurs métamorphoses d’un personnage à l’autre. Ce spectacle, qui sautille avec profondeur, est allégrement rimbaldien, même si l’on y est sérieux quand on a 17 ans.

Culture
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