Le vrai-faux casier d’Ali Soumaré

Christine Tréguier  • 4 mars 2010 abonné·es

La campagne des régionales vient d’atteindre le degré zéro de la politique, avec la cabale contre Ali Soumaré, tête de liste PS dans le Val-d’Oise, initiée par Francis Delattre, shérif de Franconville, et son collègue Sébastien Meurant (Saint-Leu-la-Forêt). La méthode est élégante : désigner à la vindicte populaire ce « délinquant multirécidiviste chevronné » indigne de représenter la République, en balançant à la presse son prétendu « casier », lourd de cinq condamnations. Bien leur aurait pris de vérifier leur code pénal et leurs sources. La première condamnation de 2002 pour vol aggravé est aujourd’hui prescrite, et n’aurait pas dû être évoquée. La procureure de Pontoise a révélé que le second vol aggravé était l’œuvre d’un homonyme mineur, et qu’aucune ordonnance pour conduite sans permis n’avait été délivrée contre lui. L’affaire est en cours et n’aurait pas dû être rendue publique. Pas plus que la condamnation pour rébellion à agents de la force publique, délit mineur dont la réalité se joue souvent entre parole de policiers contre parole de mis en cause, contre laquelle Soumaré vient de faire appel.

Le vrai-faux casier d’Ali Soumaré se transforme en patate chaude pour l’UMP, et les accusateurs vont se retrouver sur le banc des accusés. L’avocat d’Ali Soumaré, Me Jean-Pierre Mignard, compte les poursuivre pour diffamation, atteinte à la présomption d’innocence, révélations publiques de condamnations pénales réhabilitées et violation du secret professionnel. Ces informations n’ont pas pu être obtenues, comme l’affirment les deux maires, par une demande légale auprès du greffe. Car, pour obtenir les jugements pénaux d’un quidam, il faut en connaître les dates. Il est beaucoup plus probable qu’un policier bien intentionné, habilité à consulter le fichier policier des infractions, le Stic, leur ait transmis certains éléments. Et Francis Delattre, ex-commissaire à la Cnil, ne pouvait ignorer que communiquer de telles informations, obtenues en dehors d’une mission de police judiciaire ou administrative, constitue une « violation de secret professionnel »
– et les divulguer à son tour, un recel. « Mais, fait remarquer Mathieu Bonduelle, du Syndicat de la magistrature, le Stic n’explique pas l’homonymie. » Il est possible qu’un autre fichier, la Nouvelle Chaîne pénale (alias Cassiopée), une sorte de Stic judiciaire, ait lui aussi été consulté avec la complicité d’un magistrat, d’un greffier ou d’un fonctionnaire de justice.

Pendant une semaine, les responsables UMP se sont renvoyé la balle par médias interposés, et personne n’a semblé très pressé de trouver les coupables. Le directeur général de la police, qui a les moyens de faire procéder à une vérification pour savoir qui a consulté la fiche Stic de Soumaré, a informé qu’il « n’excluait pas » de le faire. Et le président de la Cnil a attendu une bonne semaine avant de lui demander officiellement « des explications sur l’origine des informations ». Et pour cause. Un ex-commissaire de la Cnil prit la main dans les fichiers, ça fait désordre !

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