Climat de défiance

Les délégués de 175 pays se sont retrouvés à Bonn pour tenter de remettre en route la lutte climatique.

Patrick Piro  • 15 avril 2010 abonné·es

Des mois seront nécessaires pour éponger l’immense ­désillusion de Copenhague. C’est l’une des conclusions qui s’impose à la sortie de la réunion de haut niveau qui s’est tenue la semaine dernière à Bonn afin de « recoller les morceaux » , comme y invitait une banderole écologiste : ce n’est pas tant un esprit de rébellion qui animait les délégués qu’un sentiment de défiance. Alors qu’il s’agit de préparer la prochaine conférence des Nations unies sur le dérèglement climatique, qui se tiendra à Cancún (Mexique) à la fin de l’année, la perspective d’un accord international fort semble déjà renvoyée à fin 2011.

Depuis Copenhague, l’Union européenne et 111 pays ont annoncé leur « soutien » à l’Accord de Copenhague, texte minimaliste et non contraignant qu’avaient proposé en catastrophe une vingtaine de chefs d’État. Il invite à limiter à 2 °C la hausse de la température planétaire moyenne, et à aider les pays les plus vulnérables : à hauteur de 30 milliards de dollars d’ici à 2012, puis de 100 milliards par an d’ici à 2020, sans préciser comment les trouver. Et, fin mars, ont été publiés les engagements volontaires de réduction du CO2 pour 2020, pris par 75 pays représentant 80 % des émissions planétaires. Largement insuffisants, ils conduiraient à une hausse de plus de 3 °C de la température moyenne.

À Bonn, les discussions ont largement buté sur la méthode de travail onusienne, unanimement critiquée, à la fois « ultra » et faussement démocratique, d’une inertie considérable et très peu productive. Au lieu de se braquer sur la recherche d’un accord global, unique et équitable – la lubie de Copenhague –, l’idée est avancée de se contenter d’un « jeu de décisions opérationnelles » sur la déforestation, les financements pour le Sud, les transferts de technologies vertes, etc. L’Angleterre se dit prête à accepter une prolongation du protocole de Kyoto (point de discorde à Copenhague) simultanément à l’élaboration d’un autre accord avec les pays qui ne souhaitent pas le rejoindre.

Deux autres rendez-vous de haut niveau auront lieu avant Cancún. Mais, en parallèle à ce processus onusien décrédibilisé, montent d’autres initiatives plus ou moins concurrentes. Ainsi, l’Allemagne a invité la cinquantaine de ministres de l’Environnement « qui comptent » à venir discuter de Cancún du 2 au 4 mai. Mais, auparavant, l’attention se portera sur la réunion des « grandes économies » de la planète, 17 pays émettant 80 % des gaz à effet de serre mondiaux invités les 18 et 19 avril à Washington, hors cadre de l’ONU. Enfin, et c’est une première du genre, c’est un pays du Sud qui tiendra la vedette du 19 au 22 avril : Evo Morales, le radical président bolivien, convoque à Cochabamba une « Conférence mondiale des peuples » sur le changement climatique, qui entend trancher avec vingt ans d’hégémonie des pays riches sur cette question.

Écologie
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