De gauche, mais de droite

Sébastien Fontenelle  • 8 avril 2010 abonné·es

Il y a encore eu le mois dernier, me dit-on, des gens qui ont voté – aux régionales – pour les « socialistes », en croyant, sincèrement, que les « socialistes » étaient de « gauche », et, bon, je suis comme toi, j’ai quand même tendance à penser que ce n’est pas Dieu possible, mâme Dupont, d’être aussi crédule – mais après tout, qui sommes-nous, dis-moi, pour juger de leur niveau de naïveté : n’avons-nous pas, nous-mêmes, (très) brièvement cru, il y a deux ans, benêts de nous, que Jean-Luc Mélenchon avait quitté le Parti « socialiste » avec d’autres ambitions que celle de faire des alliances avec le Parti « socialiste » ?
Puis, du reste : les « socialistes » viennent d’envoyer, aux ingénu(e)s votant(e)s qui leur ont ainsi donné leurs voix, le dessillant message, aimablement porté par le Nouvel Observateur (.com) [^2], qu’ « au Parti socialiste, la réforme des retraites n’est plus un “tabou” ».

Ce n’est pas complètement nouveau : cela fait maintenant de longues années que les « socialistes » brisent tous les quinze ou vingt jours le « tabou » des retraites, sous les applaudissements nourris de Laurent Joffrin, d’une part, et de François Fillon, d’autre part – qui juge, lui aussi, que la réforme des retraites sera le genre humain, et qui a récemment dit quelque chose comme : ah, je suis quand même bien content que Martine Aubry ait là-dessus, comme sur tant d’importants sujets, un avis très voisin du mien, qui se trouve être aussi, voyez si le monde est petit, l’avis de Laurence Parisot.
Le neuf, au cas précis, nous dit le Nouvel Observateur( .com), est que non seulement les « socialistes » ont (de nouveau) brisé le « tabou » de la réforme des retraites, mais qu’ils s’engagent cette fois-ci « dans le débat […] en se voulant constructifs ».

Concrètement, ça veut dire que François Hollande, pour ne citer que lui, énonce publiquement qu’ « il faut une réforme des retraites » , comme l’a fort bien montré François Fillon, et qu’il « faut sans doute allonger la durée de cotisation » , comme dans les plus fous rêves du patronat.

Le « débat », tel que l’envisagent les « socialistes » et le Nouvel Observateur (.com), se résume donc à un échange de points de vue strictement identiques entre une droite régimaire qui veut en finir avec le modèle social francuski et une « gauche » de droite qui trouve que c’est une idée formidable, et qui par conséquent ne prévoit nullement de préserver nos retraites : cela serait pourtant facile, mais cela impliquerait de taxer le capital, et le Parti « socialiste » n’a aucune intention de mécontenter le Medef, ou de faire de la peine à l’éditocratie barbichue.
La morale, tu l’auras compris, est que, pour le mois dernier, on veut bien oublier – te dire si on est patient(e)s – mais que si tu continues à voter pour les « socialistes », faudra plus non plus que tu viennes te plaindre qu’ils t’ont possédé(e) : on t’aura – de nouveau – prévenu(e).

[^2]: Nouvelobs.com, 28 mars 2010.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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