Des farandoles lumineuses

Les Tindersticks deuxième génération sont au mieux
de leur forme,
dans un registre inhabituel.

Jacques Vincent  • 29 avril 2010 abonné·es

Le temps passe vite et l’histoire des Tindersticks est déjà assez longue pour comporter un nombre important de chapitres. Elle a commencé en 1993 avec un premier album qui a imposé d’emblée ce groupe singulier caractérisé par une élégance le rapprochant des Bad Seeds de Nick Cave et une musique à l’intensité crépusculaire parfois irradiée par des envolées criantes proches du free-jazz. Sans oublier, évidemment, la manière de chanter unique de Stuart A. Staples, à la fois introvertie et pénétrante, et caractérisée par un léger trémolo dans une voix brisée. Le groupe a enregistré six albums et plusieurs musiques de film, dont ceux de Claire Denis, symbole de sa proximité avec la France, où Staples a même fini par s’installer, dans la Creuse.

Les Tindersticks, sous cette forme, ont duré jusqu’en 2003 avant de clore la première partie de leur histoire sans que l’on sache alors s’il s’agissait d’une séparation ou d’une pause. Staples en a profité pour enregistrer deux albums en solo, ce qu’il n’aurait jamais fait tant que le groupe existait, deux disques aux influences country moins étonnantes qu’il n’y paraît. Les Tindersticks reprenaient régulièrement Townes Van Zandt, et Staples avoue que c’est à travers cette musique qu’il a appris à écrire une chanson.

Et puis, en 2008, les Tindersticks sont revenus. En tout cas les trois rescapés que sont Staples, David Boulter et Neil Fraser. La question qui se pose toujours en ce genre d’occasion est de savoir si la reformation était vraiment nécessaire et si elle apporte quelque chose. Si la réponse pouvait être réservée à l’écoute de The Hungry Saw, beau disque néanmoins un peu figé, elle est totalement positive à celle de Falling Down A Mountain, qui est tout sauf un disque des Tindersticks de plus et provoque un enthousiasme sans retenue.

On entre d’emblée dans le vif du sujet avec la chanson titre qui ouvre le bal de manière époustouflante. Staples lâche les mots sans prendre la peine de les prononcer distinctement, bientôt rejoint par le guitariste, sur le même mode. Ce sont deux voix somnambuliques qui se répondent dans la nuit, au milieu des cuivres et dans une farandole menée par un tambourin frénétique qui semble ne jamais devoir finir. Mais n’est-ce pas exagéré de parler de bal à propos des Tindersticks ? Pas ici, et c’est la grande surprise de ce disque dont plusieurs morceaux évoquent le déhanchement sensuel et raffiné du Roxy Music de la grande époque. La comparaison n’est pas fortuite et même d’autant plus évidente que Staples n’a pas tellement à se forcer pour rappeler Brian Ferry, il lui suffit d’articuler. Le saxophone et les choristes féminines finissent de compléter le tableau.

C’est une des couleurs les plus vives de ce disque marqué par les chansons à guitares, mais ce n’est pas la seule. Quelques ballades en clair-obscur ont aussi leur place. Et deux instrumentaux. Le premier n’est pas indispensable. Le second, en revanche, rappelle le goût du groupe pour les musiques de film et, en conclusion, constitue le pendant parfait et contrasté du morceau introductif.
Falling Down The Mountain laisse à penser que les Tindersticks ont trouvé la lumière. À moins que ce ne soit l’inverse. En tout cas, le résultat est particulièrement brillant.

Culture
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