Et si on relocalisait… chez vous ?

Avec des coûts réduits et une flexibilité maximum, le travail à domicile se veut un rempart
à la délocalisation des centres d’appel. Mais au prix d’une précarité accrue.

Pauline Graulle  • 8 avril 2010 abonné·es

Comment concurrencer la ­main-d’œuvre étrangère ? Rien de plus simple : comprimez les coûts de structure en supprimant les plateaux d’appels, libérez-vous des charges patronales en « embauchant » des auto-entrepreneurs rémunérés à l’appel ou à la vente. Enfin, ne vous préoccupez pas du matériel : il suffit d’installer sur l’ordinateur acheté par votre employé les interfaces ad hoc pour le surveiller à distance.
Très en vogue aux États-Unis, où 200 000 téléconseillers travaillent « à la maison », le homeshoring, récemment débarqué en France, ne concerne que quelques centaines de personnes. Mais, grâce à la création du statut d’auto-entrepreneur, ce nouveau modèle de dumping social pourrait faire florès : « On vise 10 % de parts de marché d’ici à trois ans, à côté des plates-formes classiques et du off-shoring », s’enthousiasme Didier Ferrier, fondateur d’Eodom, qui emploie près de 200 téléopérateurs en auto-entrepreneuriat, surtout « les exclus du monde du travail, ou ceux qui veulent travailler le soir et le week-end en complément de leur temps partiel ou de leur retraite », ajoute-t-il. « Le téléconseiller gagne 15 % sur son pouvoir d’achat puisqu’il déjeune chez lui, et ne prend pas les transports. Et c’est plus écolo », se félicite Christophe Sarrabeyrousse, directeur général de la société Easycare, 150 téléagents salariés.
Mais le grand gagnant de l’affaire est, on l’aura compris, le donneur d’ordres. « Le homeshoring est imbattable, puisqu’on paye les gens uniquement lorsqu’ils travaillent », souligne Didier Ferrier. Par exemple, pendant les 45 minutes que dure la diffusion de « M6 Boutique », société cliente d’Eodom. Avec une rentabilité maximale : pauses non rémunérées, zéro ticket restaurant ou transport à rembourser. Mais aussi, zéro syndicat, l’isolement des téléconseillers n’aidant pas à la revendication collective.

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