« Il n’y a pas de tabous »

Sébastien Fontenelle  • 29 avril 2010 abonné·es

Dans le dernier numéro du Point  [^2], qui est un peu l’organe semainier de liaison des penseurs anticonformistes – des gens comme Nicolas Baverez –, le député-maire « socialiste » d’Évry, Manuel Valls, brise encore un tabou.
Je dis « encore » parce que, tu l’as sans doute remarqué : c’est son truc, à Manuel Valls, le brisage de tabous. De sorte que, s’il passe trop de temps sans briser un tabou, on n’est soudain plus complètement certain(e)s que c’est le vrai Manuel Valls qui nous parle : on se demande si on n’est pas en présence d’un imitateur, genre Manuel Balls. Mais bon, là, c’est le vrai. Le briseur.
Comme le Point – après avoir théorisé qu’il ne fallait surtout pas « faire payer les riches » pour « financer les retraites »  – lui demande si ça lui paraît « raisonnable », à lui, Manuel Valls, de « trouver de nouvelles sources de financement » pour les retraites – en faisant payer les riches, par exemple –, au fallacieux prétexte de « ne pas toucher à la durée de cotisations » , il répond que « non » , merci, ça ne lui paraît pas du tout – mais alors, pas du tout – raisonnable, parce que bon, t’auras beau dire, t’auras beau faire : « Pour sauvegarder le système à l’horizon 2020, il n’y a pas d’autre solution que d’allonger la durée de cotisation à 42, 43 ans. »

Bien sûr que si, y en a, lui rétorque le Point  : qu’est-ce que tu racontes, Manu ? Je rigole, bien sûr. Le Point, loin de s’offusquer d’une réponse qui est précisément celle qu’il attendait – sans quoi il serait plutôt allé prendre l’avis, moins libéral, de Mélenchon –, se pâme et tend à son témoin de moralité libérale cette énorme perche : « Pour un socialiste, la retraite à 60 ans n’est donc plus un sujet tabou ? »

Évidemment que non, répond Valls
– qui sait parfaitement que François Hollande a déjà déclaré il y a quinze jours qu’au Parti « socialiste » la réforme des retraites n’était plus un « tabou » , mais qui n’entend pas se laisser piquer ses parts de marché, et qui ajoute, histoire de bien marquer son territoire : «  Il n’y a pas de tabous. »
Et d’argumenter : d’accord, « la retraite à 60 ans est un acquis social » . Mais en même temps : « Il y a des acquis à dépasser. » En les bousillant, par exemple – sans se laisser entraver par des présupposés idéologiques qui n’ont plus cours depuis la mort de Staline. Typiquement : « Oui, la question de l’âge légal de départ à la retraite doit être dépassée. »

Et de conclure : « Si nous donnons le sentiment d’esquiver le sujet, alors le gouvernement sera tenté de passer en force et d’imposer de manière brutale le report de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans. » Alors que là, n’est-ce pas : si le gouvernement veut imposer le report de l’âge légal de la retraite à 62 ans, nous lui opposerons, poliment mais fermement, qu’il ferait mieux d’imposer le report de l’âge légal de la retraite à 62 ans.
Ça change tout – et je sais que c’est assez hardi, mais, que voulez-vous, je ne suis pas de ces lâches qui transigent avec leurs convictions « socialistes ».

[^2]: 22 avril 2010.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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