Internet sous le regard du théâtre

Gilles Costaz  • 29 avril 2010 abonné·es

On connaissait les « brèves de comptoir » , selon
la formule de Jean-Marie Gourio. Olivier Fournout a, lui, répertorié les Brèves d’écran en regardant la Toile inlassablement. C’est le titre d’un spectacle qu’il présente au Proscenium et dont il a assuré le montage des textes et la mise en scène. Metteur en scène, auteur, professeur
à Télécom-Paristech, Fournout a collaboré avec deux jeunes compagnies qui ne veulent pas monter des classiques mais étudier les langages d’aujourd’hui, la Compagnie Ordinaire et l’Île d’en face. Tous dépassent le pur cadre du théâtre puisqu’ils ont déjà à leur actif des ateliers de réflexion et un court-métrage burlesque autour des échanges d’e-mails
en entreprises. Mais leur objectif prioritaire
est « la mise en théâtre du web ».

Le travail se développe à l’intérieur d’ateliers qui regroupent des étudiants d’écoles d’ingénieurs et de commerce. Cette fois, Olivier Fournout a lui-même relevé un certain nombre
de phrases typiques sur Internet et en fait l’orchestration théâtrale, selon une dramaturgie de Sylvie Fournout.
« Avec ce spectacle, on envisage Internet comme un grand mur virtuel accueillant des graffitis d’origines les plus diverses, comme une immense cathédrale baroque dont les replis égrènent des enfilades de textes se frottant les uns aux autres, dit Fournout. Au marouflage des écritures, les comédiens ajoutent une rythmique, une polyphonie. Une étincelle charnelle électrise les rencontres virtuelles. Le théâtre fait vivre et rend visibles les enjeux cachés de la fréquentation des écrans. »

L’ensemble est beaucoup moins scénarisé que les Brèves de comptoir mises en scène par Jean-Michel Ribes. Fournout a voulu rester fidèle à l’aspect fragmentaire et au dialogue parallèle des internautes. Les acteurs, de Manuel Chemla
à Mathilde Van Den Boom, empruntent différentes personnalités dans un espace nu et fluorescent comme un monde virtuel. Messages personnels, refrains commerciaux, commentaires dans un sabir franco-anglais, fureurs politiques, règlements de comptes entre amis s’entrecroisent. Le spectacle est d’une moquerie discrète.
C’est une satire qui veut laisser le spectateur libre en lui livrant du brut, du vrai. Mais, en suscitant
le rire, il appelle à un forum moins narcissique.

Publié dans le dossier
Qui veut contrôler Internet ?
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