Tonia, reine déchue

Un mélo poignant du Portugais Joao Pedro Rodrigues.

Christophe Kantcheff  • 29 avril 2010 abonné·es

Mourir comme un homme, du réalisateur portugais Joao Pedro Rodrigues, raconte l’histoire de Tonia, transsexuelle, « reine de la nuit » lisboète en fin de carrière, amoureuse de Rosario, un jeune garçon peu attentionné et drogué. Le film n’a rien d’une chronique réaliste. Le cinéaste ne s’est pas attaché à décrire les difficultés que rencontre Tonia dans la société hétéronormée portugaise. Il s’agirait là d’un autre film, sans doute plus conventionnel.

Ce à quoi Tonia doit ici s’affronter est existentiel : le temps qui passe, alors que surgissent de plus jeunes rivales dans la boîte de nuit où elle se produisait jusqu’ici en vedette ; la solitude, à cause de Rosario, peu généreux en amour et en tendresse, et d’un fils en rupture, troublé par un père qui ne se sent plus homme ; et, enfin, les résistances du corps, qui ne se plie pas forcément aux exigences de la psyché.
Fernando Santos est particulièrement bouleversant dans le rôle de Tonia, personnage douloureux qui aspire à une existence calme et banale, peuplée de chaleur humaine, en concordance avec sa foi. Non seulement sa vie ne ressemble pas à cela, mais Tonia souffre aussi dans sa chair, qui rejette la silicone injectée et lui interdit d’envisager une opération pour changer de sexe. Tonia a le courage de vouloir être elle-même, alors que son identité lui est refusée. Elle est une vraie héroïne.

Le film oscille entre scènes de comédie et moments élégiaques et chantés, où le cinéaste joue avec les lumières, les couleurs, les plans séquence. La fin est poignante. Mourir comme un homme (mais « vivre comme une femme » , aurait voulu Tonia) est un mélo digne de Douglas Sirk et Rainer Werner Fassbinder.

Culture
Temps de lecture : 2 minutes