Une santé de moins en moins publique

Les 26 agences régionales de santé ont été lancées le 1er avril. Objectif inavoué : l’ouverture au marché.

Thierry Brun  • 8 avril 2010 abonné·es

Lancées officiellement le 1er avril, les 26 agences régionales de santé (ARS), clé de voûte de la loi Hôpital, Patients, Santé et Territoires (HPST), dite loi Bachelot, sont l’objet d’un mouvement de contestation sur leur véritable rôle. « Très peu d’informations filtrent sur ce changement », s’inquiète la CGT. « Ministères des Affaires sociales et de la Santé n’ont aucunement présenté les étapes de la mise en place des ARS » , souligne François Astolfi, secrétaire de la CGT des directions départementales et régionales des affaires sanitaires au ministère de la Santé.

La fédération des affaires sanitaires et sociales du même syndicat, qui devait expliquer « les conditions désastreuses » dans lesquelles les ARS se mettent en place, s’est retrouvée face à une situation inédite : le ministère de la Santé a interdit la tenue d’une conférence de presse le 11 mars dans ses locaux, laissant notamment André Grimaldi, professeur de médecine à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf), et Michel Chauvière, sociologue au CNRS, à la porte du ministère !

L’objectif fixé aux ARS par le gouvernement est des plus flous. L’intention première consiste à décloisonner le système de santé en confiant à des directeurs généraux (des «  préfets sanitaires » , selon les syndicats) l’hôpital, la médecine de ville, le médico-social (maisons de retraite, de rééducation, etc.), la prévention et la santé publique. L’autre objectif, politique, a été d’afficher un consensus sur cette réforme. Le Parti socialiste, qui détient les conseils régionaux, est favorable aux ARS. La nomination des dirigeants traduit le fait que les ARS « étaient aussi bien dans les programmes de l’UMP que dans ceux du PS et de Bayrou lors de la présidentielle » , constate Didier Tabuteau, directeur de la chaire santé de Sciences Po. L’ex-ministre socialiste Claude Évin, a ainsi pris la tête de l’ARS d’Île-de-France.

Pour la CGT, les ARS sont en ordre de marche pour une « maîtrise purement comptable des dépenses de santé » et l’application par le ministère des règles de la Révision générale des politiques publiques, qui va conduire à la suppression d’emplois et de « milliers de lits ». Surtout, la volonté de mêler secteur public et privé est évidente : le gouvernement a nommé un ancien dirigeant d’hypermarchés Carrefour, Xavier Chastel, à la tête de l’ARS Midi-Pyrénées. Et la loi Bachelot a supprimé le mot « hôpital » du vocabulaire sanitaire et social pour le remplacer par celui d’« établissement de santé », puisé dans le jargon du monde de l’entreprise.
Dans les faits, les directeurs généraux des ARS pourront conclure des conventions laissant le « secteur privé prendre le contrôle d’un territoire, par disparition d’un établissement public, sans que rien ne prémunisse la population contre les conséquences d’un désengagement éventuel d’un établissement privé jugeant ensuite l’activité non rentable » , explique encore la CGT. Un changement profond est en cours avec le « démantèlement d’un service public » , mais le gouvernement ne le dit pas.

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