Zappez l’écran noir du sécuritaire

Christine Tréguier  • 22 avril 2010 abonné·es

Une semaine va, l’autre pas. L’écran sécuritaire nous encercle, masquant les échecs et reculades de la tribu Sarkozy. Le gouvernement met le paquet pour dissimuler son impuissance et gesticule en une de tous les médias : états généraux des violences à l’école pour affoler les parents et transvaser les deniers de l’État dans les poches des marchands de sécurité. Caméras partout, promet Hortefeux, surtout dans les lycées et les transports, où, c’est bien connu, rode la grande criminalité. Projet de loi Besson pour verrouiller les frontières à triple tour derrière ces illégaux qui s’obstinent à revenir. Obstruction de la police judiciaire (en Seine-Saint-Denis) qui refuse de répondre aux réquisitions des juges d’instruction. Sans doute ces hors-la-loi espèrent-ils sauver la future ex-réforme de la justice qui plombe la carrière politique de MAM. Impuissante à garder les syndicats autour de sa table, la garde des Sceaux a lâché quelques perles sur Dimanche plus : les juges seraient partiaux parce que syndiqués, franc-macs ou rotariens, et inutiles (plus que 3 % des affaires).

La coercition contre les moins contrôlables des citoyens et les militants monte d’un cran. Les politiques (de droite comme de gauche) tentent de les priver de ressources ou de toit, et les professionnels de la profession ou la police, de les mettre hors circuit. Quelques exemples au hasard : la Bibliothèque alternative de Tolbiac (BAT), est, comme la Coordination des intermittents et précaires (CIP), menacée d’expulsion par la Ville de Paris. L’association Antigone, un café-bibliothèque-librairie autogéré de Grenoble, est poursuivie pour « injures et diffamation » par deux journalistes du Dauphiné libéré. Motif : deux articles critiques anonymes publiés sur Indymedia. Les membres du bureau ont eu droit à la perquisition minutieuse de leurs locaux et de leurs domiciles. L’association Toile-Libre, installée au CIP, s’est vue sommée de transmettre les données de connexion de certains de ses utilisateurs aux services de police. Ce qu’elle a refusé, d’où une enquête préliminaire, officiellement pour réquisition des données. Peut-être aussi parce qu’elle ose proposer des services Internet à prix libres et anonymes.

Sans oublier les fichiers pour lutter contre tout et n’importe quoi – fraude, absentéisme, échec scolaire, jeunes dévalant la courbe l’« éloignant du droit chemin », bandes, ultragauchistes potentiels ou actifs, malades trop malades, etc.Et les e-détectives postés aux quatre coins du Net, épiant vos faits et gestes pour le compte des ayants droit… à vous plumer au nom de la culture.

Enfin, le gouvernement sème la peur de l’avenir et manipule l’opinion pour mieux enterrer les retraites par répartition et déstabiliser syndicats et opposants. Il devrait ainsi investir 8 millions d’euros dans une campagne de propagande plurimédias. Pour les syndicats, le procédé est totalement déloyal. Le rapport du Conseil d’orientation des retraites ressemble, lui, à un missile-fiction balancé dès l’ouverture de la concertation pour inciter tout le monde à se terrer à l’abri. Les seigneurs ont déclaré la guerre, vous êtes leur cœur de cible, et l’important est de ne pas trembler.

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