Le fichier parlait trop

Peines légères pour des flics et des privés qui faisaient commerce de renseignements confidentiels.

Claude-Marie Vadrot  • 27 mai 2010 abonné·es

La main dans le fichier. Pour avoir consulté illégalement le Stic (Système de traitement des infractions constatées), fichier mis en place par la police, et Judex, l’équivalent géré par la gendarmerie, et avoir vendu ou acheté les informations qu’ils contenaient, seize personnes ont comparu début mai, en toute discrétion, devant le tribunal de grande instance de Versailles. Du beau monde : le commissaire principal de police des Ulis, Hubert Marty – autrefois directeur des renseignements généraux (RG) dans la ­Nièvre et ami d’Yves Bertrand, ancien directeur central des RG –, le commissaire de Palaiseau, quatre gendarmes du quartier général de Rosny-sous-Bois, un contrôleur des impôts, d’anciens gendarmes reconvertis dans des officines de renseignement et des détectives privés. Les policiers et les gendarmes étaient accusés d’avoir vendu des renseignements confidentiels, et les détectives de les leur avoir achetés. Les faits se sont déroulés de 2005 à 2006, mais l’instruction a traîné. Les inculpés auraient non seulement été peu coopératifs, mais en plus ils auraient minimisé les profits tirés de ce trafic.
D’autres affaires de ce type sommeillent depuis des années dans les cabinets de juges d’instruction, notamment sur la Côte-d’Azur et dans les Bouches-du-Rhône. De plus en plus souvent, des cabinets de détectives privés recrutent d’anciens gendarmes ou policiers qui se fournissent en informations confidentielles auprès de leurs collègues, constituant souvent de véritables « collectifs » privé-public de renseignements. Dans les commissariats, cela s’appelle de la « tricoche ».

Au bout du compte, ni l’instruction ni le jugement à Versailles n’ont permis de répondre à la question : à quoi et à qui ont servi les informations volées ? Sans compter, comme le rappelle régulièrement la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), qu’un tiers des informations stockées dans ces fichiers sont fausses ou fantaisistes. En outre, le résumé informatisé de la moindre enquête mélange les témoins, les victimes et les gardés à vue, et oublie en général de signaler que les personnes entendues ou même gardées à vue ont été mises hors de cause ou acquittées. Mais, surprise, compte tenu de la gravité des faits, le commissaire Marty a écopé de dix-huit mois de prison… avec sursis. Le seul condamné du lot à de la prison ferme pour six mois, soit l’autre commissaire, est resté libre. Les autres inculpés s’en tirent avec du sursis ou des amendes, que l’un d’eux a qualifiées de « raisonnables » au sortir de l’audience.

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