Ces marques qui lavent plus vert

Autoroutes, fast-food, nucléaire, pesticides : tout est responsable, bio, durable, éthique, écolo ! Les entreprises ont développé un art du mensonge sur papier glacé qui ne connaît pas de limites. Inventaire.

Pierre Thiesset  • 24 juin 2010 abonné·es
Ces marques qui lavent plus vert
© PHOTO : KITAMÛRA/AFP

Saviez-vous que, grâce aux Autoroutes du sud de la France, vous « respectez les territoires traversés » , « protégez l’environnement » et la biodiversité [[Sauf indication contraire, toutes les citations
sont issues de documents de propagande de communication des entreprises concernées.]] ? Car l’entreprise a pensé à construire des « écoponts » pour faire traverser les lapins. Preuve de son engagement militant : elle sponsorise la Fondation Nicolas-Hulot.

Et dire que certains ayatollahs de l’écologie s’en prennent encore à la circulation automobile… Alors que Peugeot plante des arbres au Brésil. Que Citroën a créé « sa propre signature environnementale : Airdream » . Que Renault s’échine à produire des « voitures écologiques ». Celles-ci, sous le nom « eco », rejettent moins de 140 grammes de CO2 par kilomètre – soit le vieil engagement volontaire des principaux fabricants depuis des années. « Pour un futur plus vert, les innovations Goodyear participent au développement durable. » Michelin « est un acteur majeur d’une démarche respectueuse de l’environnement » . Bridgestone a orné les pneus de Formule 1 de rayures vertes. Le pilote Michael Schumacher pose avec un bracelet vert au poignet. « Pour des véhicules plus verts. »
Le sport automobile s’érige en modèle. « Depuis toujours, le Dakar apporte un soin tout particulier à la préservation de certains sites considérés comme “fragiles”. » Désormais exilée en Amérique du Sud, cette course se veut « solidaire ». L’Africa Eco Race est « écoresponsable » : « Avant tout, elle adapte son comportement à la finalité environnementale du développement durable, et agit. » Après le passage des concurrents, on remettra quelques panneaux solaires aux Mauritaniens. Quant aux participantes au rallye Aïcha des Gazelles, elles s’engagent « dans une démarche environnementale et citoyenne »,« l’écoconduite est valorisée » , un « rallye propre » . Total, un des rois du pétrole, s’implique dans « la lutte contre le changement climatique » et soutient les Droits de l’homme en Birmanie : le groupe ne fait qu’appliquer sa « rigueur éthique sans faille ».

Le mouvement slow-food s’oppose-t-il à la malbouffe ? Pourtant, manger un hamburger sur le pouce, c’est bon pour la planète. Chez McDo, les camions de livraison roulent au biodiesel, les chauffeurs sont, là encore, « formés à l’écoconduite », et « des équipiers sont chargés de collecter chaque jour les déchets d’emballages abandonnés aux abords des restaurants ». D’ailleurs, la multinationale a repeint son logo en vert.
Il paraîtrait que la grande distribution défigure les abords des villes, encourage la surconsommation et le gaspillage, fait disparaître le commerce de proximité et les petits producteurs. Mais Carrefour n’est-il pas partenaire du WWF ? Le deuxième groupe mondial de distribution, derrière Wal-Mart, lutte contre la déforestation : « 100 % du papier de nos prospectus et magazines est recyclé ou certifié. » Leclerc a courageusement supprimé les sacs en plastique. Sa marque Repère « a lancé les “contrats de progrès pour l’environnement” pour compléter la démarche d’écoconception et convaincre qu’il était impératif à la fois d’écoconcevoir mais aussi d’écoproduire ». Tandis qu’éco-Auchan écoagit en matière de développement écodurable tous les jours, pour vous et la planète.

Ne culpabilisez plus en prenant l’avion pour les Maldives ! Air France a reçu des mains du ministre de l’Industrie la « Marianne d’or » du développement durable 2009, en récompense « des engagements pris de longue date par Air France et KLM en faveur du respect de l’environnement, de l’équité sociale ou du développement local » . Airbus est une « entreprise éco-efficiente » , qui produit des avions « bios » (!) [^2]. Aéroports de Paris agit pour « préserver le territoire dans lequel il s’insère » et « s’intégrer aux paysages ». D’où vient donc l’opposition à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, en Loire-Atlantique ?
Le bétonneur Bouygues propose « des écovariantes “bas carbones” à ses clients » . Chez Veolia, l’ « ambition est de définir des standards minimaux mondiaux, dans le domaine de l’environnement comme dans le domaine social ». SFR « encourage les réflexes écocitoyens » et les « écoattitudes ». Avec son « système de management environnemental certifié ISO 14001 », cette firme veille à l’« intégration paysagère des antennes relais » . Monsanto « sensibilise […] a ux bonnes pratiques ­agricoles », pour « protéger les
par­celles sans porter atteinte à ­l’environnement ».

La Fédération de la plasturgie s’évertue à « intégrer l’environnement tout au long du cycle de vie des produits plastiques » . EDF, leader mondial du nucléaire et des déchets qui vont avec, a une « démarche éthique », et sa « responsabilité environnementale » est indéniable. Tout comme Areva, qui « a la triple ambition d’une croissance rentable, socialement responsable et respectueuse de l’environnement ».
Dans le meilleur des mondes repeints en vert, même l’armement devient écologique. Notre fleuron de l’équipement de guerre, Nexter, produit des « munitions vertes » et autres « kits bios » . Ne manque plus que la fleur au fusil.

[^2]: L’Humanité, 19 novembre 2009.

Écologie
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