Désolation douce

Avec « High Violet », The National a trouvé un nouveau souffle.

Jacques Vincent  • 3 juin 2010 abonné·es

L’hermétisme de Boxer , il y a trois ans, laissait craindre que The National ne se trouve dans une impasse. High Violet montre que le groupe a trouvé une porte de sortie en traversant une frontière vers un au-delà proche mais situé dans une autre dimension. Ce qui peut s’entendre de deux manières. D’abord, High Violet évoque une forme d’irréalité comme peuvent en générer certains opiacés et, en ce sens, on pourrait parler de psychédélisme, mais d’un psychédélisme opaque, privé de couleurs et sans joie. Ensuite, le groupe produit ici une matière sonore organique qui emplit tout l’espace, jusqu’à parfois le dilater dans certaines tendances symphoniques. C’est une musique dense, riche et puissante, dans laquelle aucun instrument n’est jamais mis en avant mais intégré à l’ensemble et utilisé pour sa teinte particulière : guitares, piano, orgue, violon, cuivres, sans oublier les chœurs très présents…

Cette musique très travaillée possède une force fascinante qui enveloppe, envoûte et s’empare durablement de l’esprit et du corps. Et, bien sûr, il y a la voix de Matt Berninger, dépourvue des accès de ­fièvre d’antan, plus que jamais l’expression même de la désolation et du regret. En accord avec la teneur des chansons dont les titres donnent à eux seuls une petite idée : « Chagrin », « Peur de tout le monde », « Amour terrible »… Règne tout du long une mélancolie délectable, un nectar enivrant et dangereux. Et les plus belles mélodies, comme autant de politesses qui seraient le pendant de cette désolation.

Culture
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