Émeutes à Belleville

Une mobilisation inédite de Chinois à Paris donne lieu à des lectures communautaristes.

Ingrid Merckx  • 24 juin 2010 abonné·es

Jamais les Chinois n’étaient descendus si nombreux dans la rue en France, excepté pour leur nouvel an. Ils étaient entre 8500, selon la police, et 15 000 à manifester le 20 juin dans le quartier de Belleville à Paris pour protester contre les agressions et vols violents dont nombre d’entre eux seraient victimes depuis des années. Des rumeurs de constitution de brigades d’autodéfense commençant à courir, un Collectif des associations chinoises – groupe très hétérogène nouvellement constitué – avait appelé à se mobiliser autour du mot d’ordre : « Sécurité pour tous, solidarité avec les Chinois de Paris ».

Des Chinois et Franco-Chinois d’autres arrondissements et de banlieue se seraient joints au cortège mais très peu de non-Chinois. D’une part, parce que cette violence dont ils se disent la cible est mal connue, d’autre part, parce que cette mobilisation prend le tour d’un affrontement intercommunautaire. En effet, si les principales associations chinoises qui s’expriment se gardent bien de qualifier les « agresseurs », des messages circulant sur des forums Internet désignent ceux-ci comme étant noirs et arabes. Raison pour laquelle le Conseil représentatif des associations noires (Cran) avait décidé de ne pas se joindre au mouvement. « Nous avons bien fait », commentait son président, Patrick Lozès, le lendemain, en réaction aux incidents qui ont conclu la ­manifestation. Une cinquantaine de jeunes Chinois et une dizaine de jeunes « extérieurs au cortège » se sont en effet affrontés, la police s’interposant entre poubelles brûlées et voitures renversées. « Un épiphénomène » pour Donatien Schramm, de l’association Chinois de France-Français de Chine : «  Les Chinois sont comme les autres, ils comptent des gens racistes et des casseurs, mais cet événement n’avait rien d’un affrontement intercommunautaire. Les “agresseurs” sont des délinquants qui attaquent tout le monde, mais les Chinois primo-arrivants et les prostituées en particulier parce que ce sont des cibles faciles : sans contact, souvent sans papiers, parlant mal français, on sait qu’ils ont du liquide sur eux et n’iront pas porter plainte. »

Les lectures communautaristes de l’événement flambent, opposant « bons immigrés » et « mauvais immigrés » sur fond de polémique sur la sécurité. Donatien Schramm y voit surtout une violence faite aux pauvres dans un quartier où la police « préfère faire du chiffre en arrêtant les sans-papiers plutôt que les délinquants ». « Toute personne présente sur le territoire a droit d’être protégée » , rappelle Taki Zhang, membre du collectif. Cette manifestation inédite reste le signe que les Chinois, peu enclins à revendiquer, ont fait une percée dans l’espace public au nom de l’égalité devant la sécurité.

Société
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