Une perte de pouvoir

La Société des rédacteurs du Monde a vu sa capacité de contrôle décroître au fil des changements de statut et des réorganisations.

Jean-Claude Renard  • 24 juin 2010 abonné·es

Sept ans après la création du journal, la Société des rédacteurs du Monde (SRM) est née de la volonté d’occuper une position de contrôle. Elle répond alors à une crise, comme il est écrit dans ses statuts, liée « à la mise en cause de la ligne éditoriale de son directeur, Hubert Beuve-Méry, par plusieurs actionnaires initiaux ». André Chênebenoit, rédacteur en chef, dessine alors les bases de la société qui voit le jour à la fin de l’année 1951. Le principe d’indépendance du journal « à l’égard de tous les pouvoirs politiques, idéologiques ou financiers » s’inscrit noir sur blanc. Au sein de l’assemblée générale, André ­Chênebenoit et Jean Schwoebel sont les premiers à représenter la communauté des rédacteurs, constituée en société civile, détenant « la minorité de blocage du capital social de la société éditrice du quotidien ». Devenue « le principal porteur de parts, elle a dès lors vocation à proposer à l’agrément de la SARL un candidat aux fonctions de directeur ». La SRM siège aux conseils de surveillance des entités du groupe et « participe aux décisions éditoriales en organisant régulièrement des comités de rédaction, et veille à la permanence des principes déontologiques constitutifs de l’identité du journal ».

En 1968, la SRM détient 40 % de la SARL. Sa participation descend à 35 % après la création, en 1985, de la société des lecteurs du Monde (laquelle recueille près de 15 millions de francs par appel public à l’épargne et entre au capital de la SARL). En 1986, après la création du Monde Entreprises (apportant 10 millions de francs et s’immisçant dans le capital), sa participation atteint 32,25 % du capital. D’un changement de statut à ­l’autre, au gré des ­réorganisations, en 2003, la SRM conserve encore 29,58 % des parts du groupe. Une position qui s’érode au fil des années puisqu’elle atteint, en 2010, 21 % du capital. La SRM est constituée aujourd’hui de près de 250 journalistes et d’une centaine d’anciens journalistes du Monde. Le réel pouvoir de la SRM, observe un journaliste du Monde , « était d’élire son directeur. Dès lors qu’elle perd ce pouvoir, elle entre dans une autre histoire. Curieusement, cette perte de pouvoir ne s’est accompagnée d’aucune révolte. Maintenant, la SRM risque de ne devenir qu’un forum de discussions ».

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Une défaite du journalisme
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