Courrier des lecteurs 1109

Politis  • 1 juillet 2010 abonné·es

Depuis qu’il est directeur de France Inter, Philippe Val donne la pleine mesure de son talent : licenciement de Guillon, de Porte, suppression d’« Et pourtant elle tourne ». Tout ce qui faisait de France Inter une station de liberté, sachant faire la différence avec la concurrence, disparaît.
Jean-Jacques Corrio,

Les Pennes-Mirbeau (13)


Bravo pour l’entretien avec Raymond Aubrac. Mais il manque une bibliographie de ce grand homme, non seulement résistant et engagé politiquement, mais aussi écrivain. Or, ses livres sont très difficiles à trouver. J’ai récemment cherché son autobiographie, O ù la mémoire s’attarde, publié par Odile Jacob en 2000, puis en poche. Dans ces deux éditions, il est épuisé […]. Est-il prévu de rééditer ce chef-d’œuvre littéraire ? Comment faire pour que l’éditeur s’y emploie ?

Claire Rémy, Paris


À quand une grève des retraités bénévoles ?
Avec la réforme des retraites imposé par le gouvernement, c’est une conception de la vie et l’organisation de notre société qui sont en jeu, « c’est une réforme qui s’apparente à une terrible régression sociale », comme l’affirme Denis Sieffert dans son éditorial du n° 1107 de Politis.
Beaucoup d’arguments sont avancés par les « résistants » à cette réforme. Je voudrais en exposer un, concernant la place et le rôle des retraités […]. Que serait la vie associative, sportive, culturelle, humanitaire, sociale si on la privait de tous ces hommes et femmes qui, ne demandant rien, consacrent une partie de leur temps libre, de leur énergie, de leur enthousiasme et de leur expérience au service de tous, des jeunes en particulier ? Toutes ces valeurs de respect et de solidarité, qui créent du lien social, sont enseignées et vécues tous les jours par ces seniors. Tout cela paraît tellement évident que nous n’en avons presque plus conscience. Alors, imaginons les conséquences d’une grève, un week-end par exemple, de tous ces retraités bénévoles, soutenus par des collègues plus jeunes, dont l’aide et l’engagement permettent à beaucoup la pratique d’un sport, de la musique, du théâtre… Qui gèrent les Restos du cœur, le Secours populaire… Pour mesurer le bonheur que nous connaissons dans ce pays de pouvoir compter sur eux et avec eux. Pour goûter encore longtemps à cette qualité sociale que beaucoup nous envient, n’acceptons pas la mise à mort de ce symbole qu’est l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans.

Michel Masson


Les exemples de falsification de la vérité sont nombreux au gouvernement et plus particulièrement en ce moment chez Luc Chatel : mise à la corbeille de l’étude de Thomas Piketty sur l’influence du nombre d’élèves par classe et mise en valeur d’une pseudo-étude prouvant, dans ses résultats moyens, que l’effectif ne change pas « grand-chose » ; négociations au premier trimestre avec les partenaires sociaux sur la « stabilisation des effectifs Rased » , mais annonce quelques mois plus tard de leur suppression programmée ; mise en avant d’une ligne du rapport de la Cour des comptes affirmant que les moyens à accorder à l’Éducation nationale ne sont pas les seuls éléments à prendre en compte, mais oubli volontaire de la ligne qui suit sur la nécessité d’ « accorder plus de moyens au primaire à l’aide aux élèves en difficulté ». Face au mensonge, la tâche est difficile mais pas impossible, à condition que les syndicats nationaux ne nous refassent pas le coup de l’an dernier, où la grève générale pouvait être lancée mais…

V. Mérand, Béziers (34)


J’ai particulièrement apprécié l’article de Thierry Brun sur l’enseignement des sciences économiques et sociales, paru dans le n° 1107 de Politis . La discipline SES et ses objets d’études sont évidemment des enjeux politiques majeurs, et l’on voit bien comment le pouvoir en place est à la manœuvre pour gagner sa bataille idéologique également auprès des futurs adultes. Je le dis d’autant plus aisément que ce n’est pas la discipline que j’enseigne : la mienne, les sciences physiques et chimiques, semble moins l’occasion d’enjeux politiques. Quoique…
Je me permets ainsi de rapprocher deux événements de ces derniers mois, dont l’un fait infiniment plus parler que l’autre. Pendant que Claude Allègre écume les plateaux télé en se présentant comme le nouveau Galilée en croisade contre des climatologues jugés déclinologues et empêcheurs-de-produire-en-paix, pendant qu’il attaque Politis […], la réforme du lycée qui entrera en vigueur à la rentrée prochaine s’accompagne d’un camouflet pour l’enseignement scientifique de base, pensé comme contribution, lui aussi, à la culture générale : 30 minutes hebdomadaires en moins en physique-chimie en seconde (- 14 % par rapport à l’horaire actuel), autant en sciences de la vie et de la terre (- 25 %). […] À l’heure où les toujours ressuscités frères Bogdanov sont la représentation carnavalesque et télévisuelle de la « Science », les questions scientifiques impliquant le citoyen responsable ne manquent pas : choix énergétiques d’un pays ou d’un territoire (si tant est que ce soit discuté au Parlement !), biotechnologies, évolution du climat et effet des activités humaines, mais aussi, plus largement, capacité à analyser la validité de résultats quantitatifs d’enquêtes d’opinion ou de calculs de pension de retraite lorsqu’un projet de loi débarque.

Il s’agit aussi de se familiariser avec les outils qui permettent de comprendre « pourquoi les accidents [pétroliers] vont se multiplier » […] ou d’appréhender le contenu d’un livre comme L’imposteur, c’est lui, de Sylvestre Huet. Se construire une opinion sur ces questions, en comprendre les enjeux, nécessite une culture scientifique élémentaire qui ne peut être seulement confiée à nos vénérables institutions de vulgarisation, encore moins aux lobbies industriels (cf. la communication lénifiante actuelle de BP) ou politiques.

La cause de cette coupe horaire sans précédent est sans doute moins idéologique que pour les SES, elle est plus basiquement comptable (suppression massive de postes) […]. La science serait affaire de spécialistes, à qui il faudrait faire une confiance aveugle : mais quand seront formés les spécialistes ? La réforme s’accompagne en effet d’une suppression d’1 h 30 (un tiers de l’horaire actuel !) en première scientifique en septembre 2011, sans compensation en terminale.
L’Union des professeurs de physique et chimie (UdPPC), qui dénonce cette réforme depuis des mois, n’a sans doute pas la même capacité à communiquer que l’Association des professeurs de sciences économiques et sociales (Apses). L’enjeu étant jugé moins « politique », les centrales syndicales sont un peu moins mobilisées. […]

Mais, au-delà des économies de postes, n’y aurait-il pas une volonté politique de rendre le citoyen un peu plus inculte scientifiquement ? À qui profiterait le crime ? On ne peut compter que sur des médias indépendants qui acceptent de relayer l’enjeu de cette formation.
J’espère que Politis y prendra sa part, et la réunion publique récemment organisée sur le cas Allègre est un exemple parmi d’autres des initiatives qui peuvent permettre à la science de réinvestir le débat public […].

Jacques Vince, Lyon

Courrier des lecteurs
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