Courrier des lecteurs 1110

Politis  • 8 juillet 2010 abonné·es

Je suis très étonné que le Medef n’ait pas encore parlé
de raccourcir les congés payés: c’est peut-être parce qu’ils sont générateurs de profits pour le commerce.

René Guiraud


Dans le langage des économistes croissantistes, on mesure le moral des ménages à leur consommation. Triste réduction ! Eh bien, chiche ! Montrons-leur que notre moral est au plus bas, et encore plus depuis l’annonce officielle des mesures contre nos retraites.
Prenons-les au mot et choisissons comme moyen d’action le boycott de la consommation superflue. Et si le temps d’une semaine, d’un mois, d’un trimestre, nous vivions tous comme une grande partie de nos concitoyens, avec moins de 1 000 euros par mois ?
On me rétorquera que je suis un utopiste et que tout cela n’est pas réalisable mais voué à l’échec.
Peut-être, mais les petites balades trimestrielles dans les rues de nos villes derrière nos bannières ont-elles jusqu’à présent fait reculer le gouvernement ?

Fonctionnaire, je suis d’autant moins enclin à faire grève depuis l’instauration du service minimum.
Empochons donc nos salaires mérités et à la sortie du travail,
vers 18 heures, ainsi que les samedis et dimanches, bloquons nos centres-villes !

Passons à la vitesse supérieure : blocages, actions symboliques, théâtrales, pour une révolution sans armes mais sans soumission…
Seule une adhésion à cette idée de quelques leaders d’opinion pourrait concrétiser ce genre d’actions. Nous entendront-ils ?
Si nous ne nous en sentons pas capables, si nous craignons d’être trop peu nombreux, si nous n’arrivons pas à faire comprendre qu’avec deux tiers des salariés hors d’emploi à 60 ans aujourd’hui, et un jeune sur quatre de moins de 25 ans au chômage, les mesures contre les retraites sont bien celles d’une classe dirigeante qui méprise la majorité des citoyens, alors regardons nos maîtres festoyer, couchons-nous et attendons les miettes…

Didier Hocmert, Ronchin (59)


Se payer sur la bête sans vergogne

Voilà que ceux et celles qui sont pris la main dans le pot de confiture invoquent en guise de défense un monstrueux viol de leur liberté ! À tel point qu’ils ne sont pas loin d’affirmer à grands cris d’orfraie que la révélation du pot aux roses prendrait les contours d’une répugnante chasse à courre ou de pratiques dignes de l’Inquisition !
Cette hypocrisie et cette mauvaise foi sont véritablement choquantes au moment où ces mêmes décideurs enjoignent sans autre préavis à leurs concitoyens les plus modestes, qui plus est en les culpabilisant, de faire instamment des sacrifices de plus en plus lourds à supporter.

Ces passe-droits dignes du temps des « copains et des coquins » par le degré de connivence qu’ils induisent (rémunérations exorbitantes, appartements, arrangements pour échapper aux règles fiscales, permis de construire, cumuls de revenus et autres cigares etc.) relèguent l’intérêt général aux oubliettes de la République. Seul un mépris de caste avéré permet à ces scandales de s’effectuer sans la moindre retenue : on n’hésite plus à se payer sans vergogne sur la bête. Le politique, c’est-à-dire ce qui émane de la souveraineté populaire, mérite mieux que cela ! Car la « bête », ce sont les citoyens, à qui on veut faire payer les conséquences d’une crise dont ils ne sont en rien responsables. Cette déliquescence décomplexée de l’esprit public a de quoi inquiéter.

Francis Daspe, Langon (33)


Lettre ouverte à Philippe Val,
à Jean Luc Hees et à ceux qui
se reconnaîtront

J’ai 70 ans et j’achetais naguère Charlie Hebdo . Je n’y appréciais pas forcément tout, estimant que certains articles ou dessins relevaient de plaisanteries de corps de garde, mais je considérais que, au nom de la liberté d’expression, cela aussi pouvait être dit. Après tout, rien ne m’obligeait à acheter le journal ! Privée de Siné Hebdo et de ses bonnes plumes, je vais peut-être y retourner.
Puis, voici quelques années, vos éditoriaux, Philippe Val, ont commencé à se colorer bizarrement. Cela a donné lieu à de grosses discussions lors de nos réunions entre amis, chaque 14 juillet. Le limogeage de Siné sur un motif déjà suspect a confirmé mon impression, vite justifiée par votre arrivée à la tête de France Inter. Nous atteignons aujourd’hui l’apothéose avec le vidage de la matinale et, sans préavis, du « Fou du Roi » de Didier Porte, et celui de Stéphane Guillon, avec l’autorisation pleine et entière de Jean-Luc Hees. Si cette censure qui ne s’avoue pas telle est étonnante de la part de l’ex-rédacteur en chef de Charlie Hebdo , elle ne l’est pas si on a suivi son évolution.

Je vous ai entendu, Jean Luc Hees, sur France Inter le mercredi 23 juin, essayant de vous justifier de façon pitoyable : « Je parle au nom d’un certain nombre de gens ! » Le bel argument ! De gens qui pèsent plus que d’autres ? Car je pense pour ma part exprimer aussi l’opinion « d’un certain nombre de gens » qui se faisaient un plaisir d’entendre Stéphane Guillon et Didier Porte, et qui font peut-être comme moi, qui n’écoute plus désormais France Inter. Mais qu’importe, me direz-vous, l’essentiel n’est-il pas de plaire seulement à quelques-uns, ceux qu’il faut, ceux qui montrent bien que le foot est plus important à leurs yeux que les préoccupations des citoyens ordinaires descendus dans la rue ?

À ce propos, que d’heures consacrées au désastre footeux sur tout le service public qui auraient pu être consacrées à des sujets importants ! Voilà qu’après avoir adulé ces joueurs de façon immodérée, on les voue aux gémonies et on les déboulonne de leur piédestal sans ménagement. […]
Selon mon quotidien habituel, il paraît que vous avez aussi « un certain sens de l’honneur » (décidément on reste dans le vague !) qui fait que vous ne pouvez accepter qu’on vous « crache dessus en direct ». Nous n’évoluons pas dans le même milieu, nous n’avons pas le même sens de l’honneur ! Si cet honneur consiste à laisser venir à l’antenne pour « moraliser » la société des hommes politiques ou des hommes d’affaires arrogants qui ont fraudé, qui ont été condamnés mais qui ont toujours pignon sur rue […], de grands philosophes qui se sont laissés abuser par des canulars énormes, des stars qui escroquent le fisc et qui font un usage immodéré de substances pénalisées par ailleurs, en modèle à la jeunesse, non, nous n’avons pas le même sens de l’honneur. Le mien, par l’éducation et la formation que j’ai reçues, me porte à défendre tous les Dreyfus, petits et grands, en faisant fi d’une petite blessure de mon ego.
Vous avez dit aussi : « L’humour ne doit pas être confisqué par de petits tyrans. » Le pouvoir encore bien moins ! Je préfère des humoristes décapants qui mesurent pleinement ce qu’ils risquent mais restent fidèles à leurs idées, à ceux qui, pour le pouvoir et la bonne soupe, renient les leurs car c’est ainsi que, dans tous les pays du monde, s’installent les régimes totalitaires, avec une presse d’abord complaisante, puis complice, vecteur indispensable de la propagande rebaptisée, pour faire moderne, communication.

Colette Dutertre, Niort (79)


J e suis navrée de ce qui se passe à France Inter, je ne comprends plus rien et vais aller voir ailleurs, sauf entre 15 h et 16 h… C’est l’heure de Mermet,
et j’y tiens. Je craignais pour Stéphane Guilllon et Didier Porte, mais alors là, ça dépasse tout. Pourtant, j’aimais bien Jean-Luc Hees et Philippe Val, mais c’était en d’autres temps, et là, j’ai peur !
Ne laissons pas les choses se faire, ne subissons pas, des pétitions circulent. Notre radio publique ne doit pas être traitée ainsi et, nous non plus !

Catherine Jeulin Mairet

Courrier des lecteurs
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