Du new swing dans la marmite

Trio de jeunes Strasbourgeois délurés, Lyre le temps coule
des motifs jazz dans
des rythmiques hip-hop, rock et électro.

Ingrid Merckx  • 8 juillet 2010 abonné·es

Cris de corbeaux sur un tonnerre lointain. Une balançoire grince, ou un portail, coupée par un beat engageant, sur lequel une voix de jeune homme se pose. Medium, presque familière. « Dans un monde obscur où règnent peur, prohibition et loi antimusicale, un petit groupe mène la résistance à coup de matraquage rythmique… » , indique le mot d’accompagnement du clip « About the Trauma Drum ». Soit une animation vidéo empruntant aux films de gangsters. « Ça dit comment on peut se sentir mal puis se laisser prendre par une musique entraînante », commente Ry’m, chanteur-pianiste de Lyre le temps.

Dans Lady Swing, premier album de ce groupe fondé en 2007, tout ce qui est texte et voix est improvisé. « Pour garder une certaine fraîcheur, de la niaque, quelque chose qui vient du bide… » « Saturday Night » raconte un soir au club ; « Lady Swing », une danse avec une femme… Celle qui donne son titre à l’album, petite dame au chapeau années 1930 qui chaloupe au gré du swing. « C’est une image positive qui balance de l’énergie pour tout le monde, qu’on soit jazz, hip-hop, rock, fusion, électro, ska… » Car Lyre le temps réussit l’exploit de marier les influences : le jazz-gospel-blues du chanteur, Ry’m, 23 ans ; le hip-hop du DJ Amorphe, 25 ans, « qui plonge dans sa collection de vieux vinyles pour créer des instrumentaux aux tonalités anciennes » ; et l’électro que le deuxième DJ, Seconde, 29 ans, distille dans les titres, les effets et le mastering. Les styles se superposent sans heurts, comme les différentes voix d’une même partition. L’élément fédérateur, « la base de la marmite, précise Ry’m, c’est le “new swing” ». Plus un état d’esprit qu’une technique qui consiste à composer des « musiques actuelles » autour d’un motif échappé des standards. Échos à Caravane Palace, Asian Dub Foundation, Chinese Man et même No FX, ou encore US Three et Buckshot LeFonque… La singularité de Lyre le temps tient à son travail sur les textures. « On cherche un grain qui nous caractérise… » Les sons y sont d’abord matières. Et les rythmes, mouvements. L’intro de « Go down », c’est quelques notes d’une basse profonde, un bout de récitatif – en anglais, « ça groove plus, et ça permet de se cacher un peu » –, un motif jazz au piano puis une rythmique techno et enfin un flow rap.

Rien d’acoustique dans toute cette fête, mais un rendu moins synthétique qu’analogique. Comme du ragtime coulé dans du numérique. « Into The Black Hole » sample une phrase toute speed au violon jazz sur fond de techno. L’album nourrit impression d’atemporalité et d’espace.
Trio de jeunes Strasbourgeois, Lyre le temps a enchaîné tremplins et concerts pendant plus de deux ans avant de pouvoir monter une petite structure qui fait maintenant vivre six personnes. « C’était important pour nous de suivre toute la chaîne de réalisation d’un disque. On a donc créé notre label, French Gramms, avec dans l’idée de produire également d’autres groupes. » Pas dégoûtés du CD : « Pour des indépendants en voie de professionnalisation, un disque dans les bacs reste un objectif. » Et la scène, le « fond de commerce » des trois compères, réputés excellents danseurs, qui seront en concert le 16 juillet à Paris, le 17 à Belle-Île-en-mer, le 22 à Lannion… Et qui tournent et tournent jusqu’en décembre.

Culture
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