Histoires d’A

Christophe Kantcheff  • 8 juillet 2010 abonné·es

Aucun livre jusqu’ici n’était consacré à la première lettre de l’alphabet. C’est chose faite désormais avec A As Anything, de Jacques Barbaut, qui se présente comme une anthologie de la lettre A. D’aucuns se poseront la question : Pourquoi un livre sur le A ? Ceux-là, et les autres, le sauront en lisant A As Anything. Mais donnons ici au moins trois raisons.

1/Pour voir.

Le livre de Jacques Barbaut comporte en effet plusieurs dessins avec le A pour objet ou modèle, mais aussi plusieurs petits textes – souvent des?citations – qui suscitent des images. Exemple : « En français, a […] est blanchâtre, tirant sur le jaune ; comme consistance c’est une chose solide, mais peu épaisse, qui craque facilement sous le choc, par exemple un papier (jauni par le temps) tendu dans un cadre, une porte mince (en bois non verni resté blanc) dont on sent qu’elle éclaterait avec fracas au moindre coup qu’on y donnerait… » Signé : Ferdinand de Saussure (le linguiste).

2/Pour sourire.

Beaucoup d’humour dans ce livre, dont celui de Tzara : «  Les tarifs et la vie chère m’ont décidé à abandonner les D et vous vous laissez entraîner par le Aaïsme et vous êtes tous des idiots »
(mais la citation, presque trop belle pour être vraie, est-elle authentique ? On pardonnerait volontiers à Jacques Barbaut si elle ne l’était pas).

3/Pour imaginer.

Ainsi, avec ces quelques mots, qui portent pour titre « Vocalises » : « O – O – O – en crescendo ; A – A – A – sous les coups de boutoir. » N’y aurait-il pas là à entendre une scène à haute dose sexuelle ?
Dans A As Anything, le A, multiple, est un spectacle permanent. Si le livre est une anthologie, il ne trahit pas l’esprit obsessionnel du collectionneur : la recherche d’exhaustivité n’est pas son but. Mais plutôt l’étalage de toutes les potentialités du A, qui a cristallisé maints désirs, délires, interprétations, rêves… Le A dans tous ses états, jusqu’à son anéantissement : « Par là, j’ai ajouté une dimension à ce lieu du A, en montrant que comme lieu il ne tient pas, qu’il y a là une faille, un trou, une perte ». Le propos est de Jacques Lacan, dont le nom même est fortiche en A.

Culture
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