Le cèdre en son chapeau et les tulipes meurtrières

Se promener dans les rues du Ve arrondissement de Paris, autour du Jardin des Plantes, c’est convoquer l’histoire des grands naturalistes et de leurs voyages extraordinaires.

Claude-Marie Vadrot  • 22 juillet 2010 abonné·es

Linné, Buffon (comte de…), Daubenton, Tournefort (Joseph Pitton de), Dolomieu (Déodat Dieudonné Sylvain Guy Tancrède Gratet de), ­Quatre­fages, Adanson, Geoffroy Saint-Hilaire, Guy de La Brosse, le fondateur, André Thouin, jardinier en chef et révolutionnaire, et quelques autres… La plupart des rues du Ve arrondissement de Paris qui entourent le Jardin des Plantes racontent des siècles de vocations et de voyages naturalistes. Les prénoms manquent souvent sur les plaques : non par faute de place, mais parce qu’ils évoquent des dynasties qui se sont succédé depuis 1627 : cinq Jussieu, ­quatre Geoffroy Saint-Hilaire… On naissait et vivait au Jardin des Plantes avant de partir en voyages lointains. Pour la recherche et la gloire de ce qui devint le Muséum national d’histoire naturelle par décision de la Convention en 1793.

Se promener dans le quartier, arpenter les allées du Jardin, revient à convoquer l’histoire de ces hommes connus ou oubliés qui ont parcouru le monde pour rapporter une graine d’arbre, des dessins, des plantes, un animal empaillé. Comment ne pas rêver face au robinier faux-acacia planté place Dauphine en 1600 par Jean Robin et transplanté au Jardin des plantes en 1634 par le fils de ce naturaliste ? Ou devant le cèdre du Liban mis en terre par un Jussieu en 1734 après avoir été transporté, non pas dans son chapeau depuis le Liban, comme le veut la légende, mais dans un pot depuis la Grande-Bretagne. Pot que le naturaliste cassa en descendant de calèche. Il ne lui restait plus qu’à enfourner l’arbrisseau dans son couvre-chef avec la terre ramassée et à courir vers le labyrinthe où il vit toujours.
Ce Jussieu-là ne risqua pas sa vie comme le capitaine marin et botaniste Frézier (nom prédestiné), qui rapporta au début du XVIIIe siècle au Muséum des plants d’un gros fraisier découvert sur la côte chilienne : pendant les six mois de retour, il dut faire face à un équipage furieux de le voir gaspiller de l’eau pour ses plantes.

Chaque nom, chaque arbre du muséum raconte une aventure, une épopée ou un drame. Comme celui du Jussieu qui devint fou en Amazonie ou de Tournefort, assassiné à cause des tulipes qu’il avait volées dans le jardin de Soliman le Magnifique. De quoi alimenter un mois de vacances, rêver avec les romans vrais que des livres racontent à la bibliothèque du Muséum. Y compris celle de Buffon, qui fut à la fois naturaliste et homme d’affaires et de cour.

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