Trois siècles de vie au charbon

Des puits de mine aux corons, le Nord-Pas-de-Calais décline un paysage marqué
par une longue histoire humaine.

Jean-Claude Renard  • 22 juillet 2010 abonné·es

Aux carreaux de fosse s’ajoutent
les chevalements, les étangs d’affaissement, les cavaliers, les terrils, ces résidus d’exploitation du charbon,
de forme conique le plus souvent, atteignant parfois 190 mètres de hauteur. Voilà pour le décor, ponctué de stigmates qui disent trois siècles de mine. Un tableau martyrisé porté par un hymne entonné dans les tribunes du stade Bollaert du Racing Club de Lens, résonnant dans tout le bassin minier. « Au Nord, c’étaient les corons ; la terre, c’était le charbon ; le ciel, c’était l’horizon ; les hommes, des mineurs de fond. » Très présents dans le paysage urbain du Pas-de-Calais, ces corons, rendus populaires
par Pierre Bachelet, sont la marque de fabrique du bassin minier, un alignement de logements construits pour fixer
la main-d’œuvre et, si possible, former des générations de mineurs. Ce sont 8 à 120 maisons accolées, en périphérie des habitations rurales, dont les premières datent des années 1820, en brique, un matériau rentable pour les compagnies minières également à la tête des briqueteries. Chaque maison s’accompagne d’un jardin potager à l’arrière, possède une pièce principale, une ou deux chambres à l’étage. Ces corons vont se développer au mitan du XIXe siècle, au diapason de l’exploitation du charbon, isolant leurs habitants. Parallèlement, les compagnies ajoutent dans le territoire leurs propres écoles, les maisons d’instituteur, les églises, les dispensaires, les pharmacies, les épiceries, elles encouragent le jardinage, loin des estaminets,
ces lieux de débauche et surtout de luttes syndicales…

À l’orée du XXe siècle, la cité succède aux corons. Les barres de maisons sont découpées en 20, 10, 8, 6, 4 ou 2 bâtisses, s’étirant un peu plus dans le paysage, de Lens
à Liévin. À peine plus tard, les cités-jardins rompent avec la tradition du plan orthogonal pour une voirie courbe, avec ses jardins publics et ses squares. Dans la reconstruction de la France de l’après-1945, les « camus » hauts (avec un étage) et bas (de plain-pied), du nom d’un ingénieur, s’additionnent autour des fosses, réalisés en à peine deux semaines à partir de panneaux préfabriqués. Aujourd’hui,
le bassin compte 563 cités représentant près de 70 000 logements. 40 % sont occupés par les ayants droit des mineurs, 60 % par les bailleurs sociaux.

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